Le gouvernement vient de décider la baisse de 36% du prix minimum versé aux agriculteurs et ce, alors que les critiques s’accumulent sur la gestion du Conseil du Café-Cacao. Là où le régulateur blâme les spéculateurs pour la situation actuelle, les opérateurs économiques mettent dans le même sac régulateur et spéculateurs.
Le secteur du cacao ivoirien traverse une période turbulence, notamment à l'export. Une morosité que le Conseil du Café-Cacao (CCC), régulateur du secteur avait justifié dans un premier temps par la spéculation à outrance et une surproduction à contre courant de la baisse de la demande à l'international. Le CCC a également pointé du doigt la volatilité de la livre sterling et le manque de contribution des exportateurs locaux. Une situation qui a fortement impacté les agriculteurs.
Absence de réactivité
Une lecture qui reste loin d'être partagée par tous. En effet, la sphère économique ivoirienne impute l'aggravation de la situation au CCC lui-même ! Une accusation que les opérateurs justifient par le manque de réactivité du CCC lors des premiers temps de la crise. Une lenteur procédurale qui aurait permis aux spéculateurs de mettre la main sur de grandes quantités de cacao à des prix très bas. Face à l'attentisme du régulateur, les contrats à terme de la place de Londres arrivaient à échéance dès la fin 2016.
L'arrivée à terme de ces contrats d'exportation a pris de court le CCC et un certain nombres d'exportateurs qui tablaient sur une reconduction automatique et à la hausse de ces accords. Faute de demande, le cacao a commencé à s'accumuler dans les hangars ivoiriens, ce qui a débouché sur une réduction encore plus importante des prix. Résultat des comptes, Yamoussoukro s'est retrouvée face à des pertes de plus de 300 millions de dollars, ce qui a obligé le gouvernement Ouattara à réduire le prix minimum versé aux cultivateurs de cacao de 36%.
Bien que l'Etat ivoirien ait commencé à tirer la sonnette d'alarme sur les défauts d'exportation de cacao en septembre dernier, rien n'a été fait pour reconduire et éviter l'annulation des contrats londoniens. Un immobilisme partagé autant par le régulateur que par les opérateurs qui a été aggravé par des gestionnaires d'actifs qui ont continué à vendre malgré la conjoncture.
Le CCC continue pour sa part à pointer du doigt les spéculateurs. Selon le régulateur, certains opérateurs ont retiré des marchés du cacao pour le remplacer par le café. Un tour de passe-passe qui s'explique par la mauvaise récolte du côté des cultures de café du Brésil qui ont poussé les importateurs occidentaux à chercher de nouvelles sources d'approvisionnement. Un constat partagé par BMI Research, filiale de Fitch Ratings Ltd, mais qui signale également des manquements en terme de surveillance des activités d'exportations par le CCC.
Les cultivateurs restent les plus fortement impactés
Les agriculteurs, notamment les plus petits restent les plus impactés par la situation. En témoigne, le nouveau prix fixé par l'exécutif : 700 Fcfa (1,14 dollars) par kilo. Ce qui représente le seuil le plus bas qu'ai atteint le cacao depuis que la Côte d'Ivoire a réformé ce secteur en 2012. Un tarif qui représente également 60% des taux internationaux actuels. Face à cette baisse décidée des prix, certains opérateurs ont appelé Yamoussoukro à adopter le système mis en place par le Ghana, où une structure pilotée par l'Etat est responsable de l'achat du cacao aux agriculteurs.
Une proposition qui a été relayé aux responsables du CCC, lors d'une réunion entre le régulateurs et les représentants des cultivateurs. Face aux critiques et doléances de ces derniers, l'Etat s'est montré ferme face aux revendications des agriculteurs : « Les producteurs peuvent être insatisfait du prix, mais ils ne devraient pas protester, car cela peut être perçu comme une perturbation de l'ordre public ».
Une fermeté qui cache mal la fébrilité d'un Etat ivoirien qui vient tout juste d'éviter une fronde majeure de son armée. Yamoussoukro peine rappelons-le à mobiliser le budget nécessaire pour s'acquitter des concessions en liquide et en nature accordées aux soldats mutins pour qu'ils retournent dans leurs casernes. Une situation qui oblige l'exécutif à faire preuve d'imagination dans la gestion de cette crise qui couve sachant que même la loyauté des forces d'élite de la présidence ivoirienne reste loin d'être acquise à 100%, sachant que ces derniers ont également initié leurs mouvements de fronde.
Par Amine Ater
Côte d'ivoire : les opérateurs du Cacao tirent à boulet rouge sur le régulateur