La défense de l'ancien président de l'Assemblée nationale, Guillaume Soro et de dix-neuf (19) de ses proches arrêtés, s'allonge et se renforce. Trois avocats inscrits au barreau de Paris sont venus s'ajouter à la dizaine de conseils ivoiriens déjà constitués pour les démêlés judiciaires du président de Générations et peuples solidaires (Gps). Il s'agit de William Bourdon, qui exerce en droit pénal notamment en pénal des affaires, droit de la communication, Bengarth Vincent, collaborateur de William Bourdon- il intervient dans des dossiers touchant aux libertés fondamentales-et Céline Mokrane, entrepreneur individuel, spécialisée dans le secteur des activités juridiques.
Ces avocats français ont co-animé une conférence de presse avec leurs collègues ivoiriens hier, vendredi 7 février 2020, à l'hôtel Horizon à Abidjan-Cocody pour expliquer les différentes situations dans lesquelles se trouvent leurs clients. A la suite d’un retour avorté de Guillaume Soro à l’aéroport d’Abidjan, en provenance de Paris Le Bourget le 23 décembre 2019, un mandat d’arrêt international a été requis contre lui pour complot contre l’autorité de l’Etat. Et 17 proches dont cinq députés ont été arrêtés. M. Soro est notamment poursuivi pour complot contre l’autorité de l’Etat, complicité de détournement de deniers publics, de recel de détournement de deniers publics et de blanchiment de capitaux, des faits graves pour lesquels il encourt l’emprisonnement à vie.
Au cours de cette rencontre avec la presse, Me William Bourdon a annoncé L’arrestation du beau-frère de Guillaume Soro et son gardien dans la journée d'hier. « On a été informé par les membres de la belle famille de Guillaume Soro de ce qu’un des leurs avait été interpellé ce matin (hier, vendredi 7 février 2020, Ndlr) avec son gardien. Il se nomme Logbo Guy. Il est le jeune frère de l'épouse de l'ancien président de l'Assemblée nationale », a confirmé Me Diallo Souleymane. « A l'heure où je vous parle, nous ne savons pas où il est détenu, quel est le service qui l'a interpellé. Ce sont des informations qu'on a reçu des proches », a-t-il ajouté.
Avec cette nouvelle arrestation, Me Bourdon a dénoncé « une servitude de la justice au pouvoir politique ». « Les preuves des différentes arrestations sont inexistantes. Et quand elles sont inexistantes, le placement en détention ne peut résulter d'une servitude de la justice au pouvoir politique. Cette servitude a atteint, dans ce dossier, une magnitude, une intensité exceptionnelle », a accusé l'avocat français. Celui-ci a annoncé avoir déposé une requête devant le Groupe de l'Onu sur la détention arbitraire. Me Bourdon dit avoir activé la ''procédure urgente'' en raison des détentions « arbitraires » des proches de Guillaume Soro. « Avec mes confrères, je peux vous indiquer que nous avons saisi de manière urgente le Groupe de travail sur la détention arbitraire à Genève au nom de 19 personnes y compris les 5 députés, dont l'arrestation a conduit à un mépris flagrant et absolu des règles protectrices», a informé le conseil de Guillaume Soro. « Nous sommes confiants que ce Groupe de travail sur la détention arbitraire dont l'autorité est indiscutable sanctionnera la Côte d'Ivoire pour le grave mépris des principes fondamentaux du procès équitable, de la loi ivoirienne, de la loi régionale, de la loi internationale », a-t-il complété.
En outre, ces avocats ont saisi différents rapporteurs spéciaux. L'avocat précise que, dans les jours qui viennent, ils vont saisir l'Union interparlementaire internationale qui prendra « une résolution ». Aussi, un mémo saisissant l'ensemble des violations, fait savoir le conférencier, sera adressé, dans les prochaines heures, aux principaux décideurs européens, aux grandes institutions européennes et internationales (Parlement européen, Conseil de l'Europe, Union européenne, et à la Commission des affaires étrangères du Sénat). « Face à un régime qui a choisi la fuite en avant, on peut espérer que la multiplication des saisines interactives de ces différents outils et instruments juridiques internationaux pourra à un moment donné ouvrir les yeux de ceux qui ne veulent pas voir et rien entendre », pense William Bourdon avant de mettre en garde : la fuite en avant conduit au chaos, à la précipitation, à du désordre, à des approximations, à des irrégularités, à de l'arbitraire et à de l'illégalité. Par ailleurs, il a souligné que le mandat d’arrêt contre l’ex-président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire, Guillaume Soro, « n’a aucune chance de bénéficier de l’adoubement d’Interpol », dénonçant son « caractère grossier ».
Conditions de détention. Les avocats français qui ont eu le privilège de visiter certains détenus dénoncent également leurs conditions de détention. Bengarth Vincent a pu constater, en parlant avec les personnes poursuivies, des « conditions extrêmement difficiles ». « Les conditions carcérales sont particulièrement rudes pour certains car tout le monde n'est pas logé à la même enseigne. On a vu aussi l'insalubrité de certains lieux de détention. Des personnes, à travers la solidarité familiale, ont été obligées de construire des latrines pour pouvoir apporter un peu de dignité aux personnes qui sont poursuivies. Des détenus disent qu'ils sont cloisonnés dans une cellule où on se retrouve à huit avec des toits en tôle avec un effet de chaleur extrêmement considérable », a rapporté Me Bengarth.
Céline Mokrane s'est attardée sur les conditions de Simon Soro, frère cadet de Guillaume Soro, en détention à la Maison d’arrêt et de correction d’Adzopé (Macad). « On l'a rencontré au sein du bureau du régisseur. On a parlé des conditions indignes de détention qui sont en total contraste avec la dignité qui habite M. Simon Soro. (…) Le premier jour qu'il est arrivé, il a dormi à même le sol dans le bureau du régisseur parce qu'il n'y avait pas de cellule pour l'accueillir. Le lendemain, il a été installé au sein de la cellule des mineurs, une petite cellule de 12 m² où logeaient déjà 13 mineurs. (…) Après, les mineurs ont été déplacés et Simon Soro a récupéré cette cellule avec une seconde personne », relate l'avocate. « Cette cellule, il a pu la réhabiliter entièrement par lui-même. Il a fait la peinture parce que les murs étaient « ensanglantés », des traces de sang séchées sur tout le mur. Il a dû boucher les trous pour ne pas que les rats puissent pénétrer dans sa cellule. Il a dû également créer ses propres sanitaires », poursuit Me Céline Mokrane précisant que sa vie privée n'est aucunement respectée lors de ses rencontres. Il faut noter que ces trois avocats français sont rentrés à Paris depuis hier.
Cyrille DJEDJED
Guillaume Soro