C’est au cours de la décennie 90 que les protéines animales congelées et surgelées connaissent un essor fulgurant en Côte d’Ivoire.
A l’époque, ce sont principalement les volailles (pattes, ailes et cous de poulet, croupions de dindon communément appelés « cui (cul) » de dindon) et certaines parties du porc (les pattes surtout) qui sont commercialisées. Vingt ans plus tard, cherté de la vie oblige, les protéines surgelées font partie intégrante des habitudes alimentaires des ménages moyens. Pour répondre à la forte demande, la gamme des produits animaux s’est accrue.
La quantité à moindre coût !
Deux facteurs aident à comprendre la préférence des ménages aux revenus modestes pour les protéines surgelées : le prix et la quantité. « En famille, nous consommons beaucoup les pattes de bœuf congelées importées parce qu’elles sont moins chères que les pattes de bœuf africain.
La plus petite patte de bœuf congelée qui coûte 1 500 francs est plus grosse et a le même prix que celle d’un animal local », explique Ange-Rosine Yapi, étudiante en Lettres modernes à l’Université de Bouaké.
Quant à Charlène Koty, vendeuse d’attiéké, elle évoque le goût de ces protéines. « En général, j’apprécie le goût des protéines animales importées parce qu’à quelques différences près, elles ne sont pas trop différentes des protéines locales. Pendant la récente fête de Pâques, j’ai acheté une patte de bœuf congelée à 3 000 francs au lieu d’une volaille qui me reviendrait à 4 000 francs voire 4 500 francs. J’ai pu nourrir toute la famille avec cette patte de bœuf. Je suis sûre que si j’avais acheté une volaille, je n’aurais pas pu satisfaire toute la famille », raconte-t-elle.
L’autre raison qu’elle avance, c’est la pauvreté. « Les ménages sont enclins à consommer les protéines importées à cause de leurs prix relativement attrayants. En cette période de crise, il faut tout faire pour minimiser les dépenses. Sinon, les viandes locales sont plus douces que les viandes congelées », admet-elle.
Sans saveur !
Selon Rosine Yapo, ménagère, « Certes, les viandes importées sont moins chères, mais elles sont presque fades quand elles ne sont pas bien préparées. Il faut bien assaisonner pour espérer avoir quelque chose d’attrayant », tient-elle à préciser.
Nathalie Dallet, élève en classe de Terminale, en garde un mauvais souvenir. « Il y a quelques années, ma tante et moi avions acheté du rognon importé vers 9 heures. Quelques heures plus tard, notamment vers 14 heures, la viande s’est décomposée. Nous avons constaté qu’une bonne partie est devenue du sang et beaucoup d’eau s’est écoulée. Le rognon avait l’allure d’un chewing-gum. Nous l’avons purement et simplement jeté à la poubelle. Depuis ce jour, j’ai décidé de ne plus consommer le rognon importé », raconte-t-elle.
Dans le même ordre d’idée, Clémentine Béakou, ménagère, dénonce la qualité des viandes importées. « Les viandes importées cuisent trop vite. Elles deviennent pâteuses si l’on n’y prend garde. Cela fait qu’on ne peut pas les conserver plus de vingt-quatre heures après leur cuisson », déplore-t-elle. Aussi a-t-elle décidé de leur tourner le dos. Certains consommateurs leur reprochent de manquer de vitamines.
De leur côté, des vendeurs de surgelés sont sur la même longueur d’onde que les consommateurs. Alyou Sylla qui exerce au grand marché d’Abobo reconnaît que « les clients se plaignent du goût et de la qualité du rognon importé ». Toujours est-il que le prix du kilogramme de rognon local (2200 F CFA) est plus élevé que celui du rognon importé (1 000 F CFA). Pour Karim Aboubacar, cette différence de prix, du simple au double, s’explique par le fait que « le rognon local est mieux que le rognon importé ». Il va plus loin pour affirmer que « les viandes locales sont plus douces que les viandes importées à cause, sûrement, de la glace ».
Jérémy Junior
Protéines surgelées On n’aime pas, mais on mange quand même ! - Photo à titre d'illustration