Suite et fin de l’interview accordée par le Premier ministre à propos du Forum « Investir en Côte d’Ivoire » qui s’ouvre mercredi.
Le secteur privé se plaint de lourdes charges fiscales. Que pouvez-vous dire pour le rassurer ?
J’ai rencontré le secteur privé. Nous avons mis en place un groupe de liaison secteur public - secteur privé. Il se réunit tous les deux mois sous la direction du ministre de l’Economie et des Finances et chaque trimestre avec moi, en vue de régler les éventuels problèmes qui se posent.
Il est évident que si le secteur privé n’est pas bien traité, ce ne sont pas les investisseurs étrangers qui viendront dans notre pays. Puisque les acteurs du secteur privé échangent des informations entre eux.
De manière globale, le nôtre se sent bien dans ce que nous faisons. Chaque fois qu’il y aura cinq francs de fiscalité, les gens diront que ce sont cinq francs de trop. Les ressources collectées grâce à la fiscalité permettent les investissements de l’Etat et l’entretien de sa stabilité. C’est ce qu’il est important de comprendre. S’il n’y pas de fiscalité, comment l’Etat va-t-il fonctionner, payer les salaires, assurer le bon fonctionnement de l’armée, etc.?
Quand on a 4258 milliards de F cfa de budget pour cette année, c’est par le biais fondamentalement de la fiscalité. Si vous comptez sur l’aide extérieure pour vous financer, il y aura problème. La fiscalité joue donc un rôle important et actuellement, nous sommes à 80% de ressources locales pour financer le budget. Il faut faire en sorte qu’elles soient le plus élevé possible. C’est ce à quoi nous voulons parvenir pour le financement public.
Nous allons vers une stabilisation, voire une diminution de la fiscalité. Quand vous regardez la pression fiscale, qui est le taux des recettes par rapport au Pib, elle est autour de 17%. Globalement, même si l’impôt augmente, la pression fiscale, elle, ne suit pas. À titre d’exemple, concernant les mutations, quand un parent décède, il y a le passage des biens aux héritiers. Dans le temps, l’Etat prélevait 10% de la valeur contre 7% actuellement. Il y a de nombreux cas de baisse de fiscalité globalement. Je sais que le secteur hévéicole a eu un problème que nous sommes en train de régler.
L’objectif est que le taux d’impôt ne soit pas trop élevé, mais que l’assiette soit large, comme nous l’avons fait au niveau du foncier en son temps. C’était 30% du taux d’imposition au niveau des loyers.
A présent, c’est 15% et j’ai demandé qu’on étudie la possibilité d’aller plus bas. Si l’assiette est élargie, avec toutes les maisons que nous construisons, quand celles-ci seront prêtes, la base sera plus large et à ce moment, les taux vont diminuer. Ce qui veut dire que ceux qui ont les logements vont payer moins d’impôts. C’est cela la philosophie de l’Etat.
Le problème de déplacement fait-il partie des offres d’investissement ?
Y a-t-il des dispositions pour exploiter à bon escient toutes ces potentialités ? Quelle lecture faites-vous des investissements étrangers ?
Les Ivoiriens se plaignent des embouteillages car il faut mettre une heure, voire trois heures de temps avant d’atteindre son bureau. Ils sont donc obligés de se lever très tôt pour être à l’heure au travail.
Ceux qui viennent en Côte d’Ivoire se rendent compte qu’il y a un problème de circulation à Abidjan. La Bad prépare son retour dans la capitale économique. Il faut rendre la circulation fluide. Plusieurs actions sont en train d’être menées. D’abord la construction du 3e pont qui prend fin le 22 décembre de cette année. Il y a également le train urbain qui va coûter près de 500 millions d’euros (350 milliards de F cfa) qui partira d’Anyama pour l’aéroport et qui pourrait se prolonger à Grand-Bassam pour la 1ère tranche.
La 2e tranche partira de Yopougon en passant par Adjamé pour atteindre Bingerville. Le gouvernement a décidé de mettre un terme à l’exclusivité de la Sotra concernant l’exploitation de la lagune en l’ouvrant au secteur privé pour qu’il y ait de nombreuses gares de bateaux. Tous ces éléments vont participer à l’amélioration de la circulation à Abidjan. Nous ferons en sorte qu’il y ait également de nombreux feux tricolores et des voies à sens unique, etc.
Abidjan grandit rapidement au point de se fondre dans Bingerville, Songon et Grand-Bassam. Nous allons demander bientôt que les constructions se fassent en hauteur et ce, pour éviter les canalisations et autres. Nous souhaitons avoir une ville qui ne soit pas trop grande. Abidjan accueille le quart de la population ivoirienne avec six millions d’habitants sur 24. Il faut développer les autres villes et régions pour qu’elles prennent de l’envol afin que tout le monde ne soit pas à Abidjan.
La Bad nous a indiqué qu’elle a aidé Nairobi à améliorer sa circulation, elle va nous assister dans ce sens.
Concernant les Investissements directs et étrangers (Ide), nous avons les données. Ce sont des investissements faits par le secteur privé de l’extérieur. Les investisseurs viennent en Côte d’Ivoire car ils ont confiance en ce pays.
Le retour sur investissement y est élevé et ils ont foi en la sécurité et la pérennité des actions dans le pays. C’est pourquoi nous devons travailler dans la paix pour tirer profit de l’action non gouvernementale. L’augmentation des salaires n’est qu’un élément, le déblocage se fait sur cinq ans. Si la stabilité est faite, probablement, dans cinq ans, les choses pourront aller mieux.
La croissance de 10% n’attendra peut-être pas tout ce temps. Dans les précédents forums, les Ide ont permis d’avoir mille milliards de F cfa d’investissements au titre de l’extérieur. Notre rythme pourrait nous permettre d’atteindre des sommes très importantes et de dépasser ce chiffre.
Vous nous demandez d’aller vite car on ne sent pas la croissance. Nous travaillons à faire bouger les choses. On met la pression sur tout le monde, y compris les membres du gouvernement qui se plaignent que le rythme est trop élevé. Vous aurez les résultats. Il faut faire tout de manière méthodique pour que les résultats soient à la hauteur de ce que l’on attend. Tous les secteurs participent à la croissance.
Tous les ministères ont une obligation de résultat. Tout comme le Premier ministre doit donner au Président de la République ses résultatss. A ce rythme, le pays avance. Les investisseurs viennent dans notre pays car nous sommes ambitieux. Si notre croissance baisse, ils partiront d’ici.
Si nous maintenons la croissance à 10%, il y aura davantage d’investisseurs. C’est pourquoi je voudrais inviter tout le monde y à faire en sorte que nous puissions aller à des investissements très forts, tout le monde gagnera.
S’il y a de nombreuses entreprises, la presse et l’audiovisuel tireront beaucoup de bénéfices des fruits de la publicité, par exemple. Nous devons pousser la machine économique de sorte que les incidences sociales soient importantes et que les conditions de vie des Ivoiriens soient globalement améliorées. Ainsi, le problème de la cherté de la vie sera un lointain souvenir.
Je souhaite que les médias ivoiriens fassent une large et bonne couverture du forum. Approchez les participants, discutez avec eux pour comprendre qu’ils ont une bonne idée du pays car le Président de la République mène une politique importante d’information, d’amélioration au niveau des affaires, de l’intégration, etc.
Les investisseurs cherchent, à chaque fois, où placer leur argent pour un retour sur investissement assuré. Et la Côte d’Ivoire devient un pôle important d’investissements et de croissance. Tirons-en profit de sorte que les choses changent rapidement.
Le secteur des Tic a vingt millions d’abonnés pour environ 24 millions d’habitants actuellement. En 1990, il n’y en avait pas plus de 25 mille. C’est un bond prodigieux. Grâce à la liaison des fibres optiques sur une distance de plus de sept mille Km, toutes les sous-préfectures du pays seront connectées. Je termine sur les propos du Président Félix Houphouët: « Si la Côte d’Ivoire a raté la révolution industrielle, elle ne doit pas rater la révolution informatique ».
Propos recueillis par
David Ya
Collaboration :
Anoh Kouao
et
Mamadou Kanaté
(Stagiaires)
Transport lagunaire : Le gouvernement ‘‘met un terme à l’exclusivité de la SOTRA’’ - Photo à titre d'illustration