A entendre la désignation ‘’Zone Industrielle’’, l’on pourrait penser tout de suite à un endroit idéal où tout le monde rêverait d’exercer. Puisque le lieu regroupe de grands operateurs économiques et autres industrielles.
Dans ce contexte des personnes de sexes différents, de tous âges, diplômés ou pas s’y rendent chaque jour, dans l’espoir de décrocher un emploi à plein temps ou temporaire. Mais, il faut y être, pour déchanter dès le premier jour, car le constat au niveau des conditions de travail et de recrutement est tout le contraire. Ici, tout baigne dans l’anarchie totale. Ce, dans la plupart des entreprises qui ont pignon sur rue, dans ces Zones Industrielles d’Abidjan. Elles s’apparentent à presque de l’esclavage.
Payer avant d’être recruté et le droit de cuissage
Les modes de recrutements sont de plusieurs types et quasi similaires dans toutes les unités industrielles de Yopougon à Koumassi passant par Vridi.
Il est 6heures 30 minutes du matin, ce lundi, en zone industrielle de Yopougon. La plus grande de toutes les zones industrielles de la capitale économique. Devant le grand portail d’une fabrique de produits cosmétiques. Il y a un monde fou qui attend l’ouverture. Ces personnes sont présentes à cette heure pour espérer avoir un travail.
« J’ai appris par mon voisin de quartier qu’on recrutait à la zone. C’est ainsi que je suis venu. Je voudrais me faire un peu d’argent pour joindre les deux bouts », explique Maruis W.
Tout comme ce jeune homme, plusieurs se rendent tous les jours dans les zones industrielles, dès lever du jour, bravant parfois intempérie et insécurité. Il est 7heures lorsque, le vigile fait l’appel au fur et à mesure que l’appel est fait, les travailleurs entrent dans l’enceinte de l’établissement. Et toutes ces personnes venues tenter leur chance, croisent leurs doigts pour être retenues.
Quelques instants après, le vigile finit de citer les noms et referme le portail, sans même jeter un regard de compassion à tous ces demandeurs d’emplois qui ont ‘’ été recalés’’. Ce mode de recrutement est le plus fréquent selon Seka L, « ici, il faut avoir une oreille attentive et toujours demander à ceux qui reviennent de la zone pour être informé et venir tenter sa chance. « Aujourd’hui ça n’a pas marché mais je reviendrai », nous lance t-il, visiblement déçu de ne pas être retenu. Dans le secteur de la zone industrielle, chacun a son domaine de compétence.
Si les journaliers abondent, cela n’est pas forcement le fait du hasard Les maisons de recrutements et les personnes dites anonymes proposent leurs prestations. Dans le milieu, ce sont de vrais seigneurs. Leurs travail consiste à trouver de la main d’œuvre abondante et à moindre coût. C’est un deal bien rémunéré. Le sort des contractuels est entre leurs mains.
Ainsi, point n’est besoin de faire du charme pour avoir son contrat renouvelé plusieurs fois. La compétence également ils n’en ont cure. La seule condition c’est, c’est l’argent. Ce sont eux qui de toutes les façons qui parfois réceptionnent le salaire du journalier. Pour éviter de se faire ‘’gruger’’. Leur côte part est comprise entre 30et 60% sur la contrepartie versée au contractuel. Peu importe la période de travail. Quelle soit de jour ou de nuit.
Ces recruteurs ‘’travaillent ‘’avec certains hauts responsables afin de partager les dividendes, une fois l’argent encaissé. Les vigiles également, n’ont pas que rôle de contrôler les entrées et sorties. Ni veiller au maintien de la sécurité dans l’entreprise. Ils sont aussi des recruteurs. Les vigiles étant devant l’entrée des différentes unités industrielles, sont au courant de tout, et ont des connexions à l’intérieur des unités industrielles.
Ils sont de véritables ‘’dieu’’ dans toutes les zones d’Abidjan. De part cette position privilégiée, ces vigiles, proposent aux pauvres demandeurs d’emploi de les intégrer dans la société. Ne travaille pas à la zone qui veut mais qui peut et celui qui a des ‘’connexions’’. Pour être pris comme contractuel, d’autant plus que les embauches sont rarissimes, dans une entreprise d’une zone industrielle, il y a deux conditions.
La première d’abord, ce sont les relations. Il s’agit d’être le protégé de ‘’quelqu’un’’. Mais pas n’importe lequel. Les personnes les plus considérées se sont les responsables de l’entreprise. Il faut être aussi recommandé par un ancien par un ancien embauché, par des parents, ou des connaissances bien introduites dans les différentes sociétés pour espérer décrocher un emploi. Dans le cas contraire, en l’absence de relation, il faut payer pour en avoir un, sans aucune garantie d’embauche. « Ici, il faut mouiller la barbe des vigiles ou des recruteurs pour avoir un boulot », nous lance un délégué qui fustige cette pratique.
Pour un hypothétique contrat, la consistance de la somme à débourser dépend de la taille de l’entreprise du circuit, et de l’importance de la paie. La somme demandée varie entre 30.000 f et 50.000f souvent au-delà selon les postes proposés. « Il y a le circuit court ou tu vois directement celui qui ta demandé la somme, et le circuit long. Plus le circuit est long, c’est-à-dire, lorsque le candidat au travail doit passer par plusieurs personnes avant d’atteindre celui qui doit l’intégrer effectivement dans l’entreprise, plus tu paies », lâche –t-il.
Dans la plupart des zones industrielles, les contrats vont de un (01) à six(6) mois renouvelable une fois. En plus à chaque paie, le contractuel est souvent tenu de verser une somme à son ‘’parrain’’ pour éviter de se faire virer un matin sans explication.
Dans cette jungle, la gente féminine n’est pas forcement la mieux lotie, elle n’est pas du tout ménagée. Les jeunes filles subissent l’obligation de cuissage avant de décrocher un hypothétique emploi. Souvent, elles sont l’objet de traitements beaucoup plus humiliant.
« Certains responsables cherchent à coucher avec les jeunes filles avant de les employer. Surtout, quand celles-ci n’ont pas d’argent à offrir. N’ayant donc pas le choix, elles se laissent aller au jeu. Car en devenant la petite amie du chef, la jeune demandeuse d’emploi peut espérer être embauchée un jour.
Ce qui n’est pas toujours une garantie, puisque le plus souvent, le patron, une fois le désir sexuel satisfait, se détache pour aller voir ailleurs », souligne une jeune dame qui a requis l’anonymat dans un groupe de filles, visiblement gênée. A la question de savoir si elle-même a été victime de telles pratiques, elle sourit d’abord, puis quelque peut confuse, répond. « Vous n’y pouvez rien, c’est comme ça ici. C’est la loi du milieu. C’est à prendre ou a laisser », lance –t-elle dépitée.
Photo à titre d'illustration:AFP