« Je n'ai pas assumé notre différence d'age

  • Source : elle.fr


Quand Bénédicte, 43 ans, rencontre Florian, elle est persuadée qu’ils sont faits l’un pour l’autre. A un détail près : elle pourrait être sa mère !
Les stagiaires, j’avais l’habitude d’en voir passer dans mon agence bancaire. Comme j’ai un petit côté maternel, je trouvais toujours le moyen, malgré un emploi du temps chargé, de leur expliquer le fonctionnement de l’agence, de les conseiller dans leur future carrière. Bref, de les chouchouter pour qu’ils se sentent un peu moins perdus. Pour moi, c’étaient des enfants, rien de plus. Jusqu’à ce que Florian débarque. Là, j’allais pousser le sens de l’accueil à l‘extrême ! C’était l’heure de ma pause déjeuner et je l’ai croisé dans le couloir.

Il a planté ses yeux dans les miens et a souri. « Je suis le nouveau stagiaire. » J’ai alors pensé : « Pas mal, le petit stagiaire ! » Brun, mince, des traits fins et un regard bienveillant. « Si vous avez besoin de quoi que ce soit, n’hésitez pas », lui ai-je dit. Florian m’a alors demandé s’il y avait une boulangerie dans le coin pour acheter un sandwich. « Un sandwich ? On va fêter votre premier jour de stage ! Je vous invite à déjeuner. » Florian m’a alors raconté qu ’il avait commencé des études d’économie à la fac (comme moi !), pour faire plaisir à ses parents (idem), puis avait lâché après une licence. Il était parti deux ans à Rome (ma ville préférée), en faisant différents petits boulots : serveur, prof de français, baby-sitter, et même vendeur de glaces ! Puis il était rentré à Nantes, bien décidé à prendre son destin en main, grâce à Antoine, mon collègue, ami du père de Florian.

« Je suis pistonné, mais je vais vous prouver que je vaux mieux que ça ! » « Je n’en doute pas », ai-je répliqué. On a ri. Florian m’a alors posé des questions sur mon boulot puis, très vite, sur ma vie. Des questions auxquelles j’ai répondu sans fard, tant je me sentais en confiance avec lui. Florian avait ce talent de vous faire parler et une maturité étonnante pour son âge. « Tu devrais être psy », lui ai-je dit. Au moment du café, on se tutoyait déjà. Tout me plaisait en lui : son esprit vif, sa délicatesse, sa spontanéité. Et nous avions tellement de points en commun : l’amour de l’Italie, les opéras de Rossini, le film « L’Incompris », de Comencini, qui nous avait tant fait pleurer. Sans oublier le chianti ! Et le goût de faire parler les autres. Mais impossible alors d’envisager quoi que ce soit. D’ailleurs, j’ai vite fait le calcul. J’avais 43 ans, et Florian, 24, soit trois ans seulement de plus que mon fils ! Le tabou absolu. Et puis tout allait bien dans ma vie. J’avais un mari, deux enfants, un bon job – j’étais chargée de clientèle –, avec ses petits tracas classiques, mais globalement épanouissant…

En fait, je m’ennuyais terriblement. Et c’est Florian qui m’en a fait prendre conscience. Je me revoyais à son âge, alors que je terminais mes études de sciences éco, moi qui rêvais d’être psychologue. Mais, dans ma famille catholique bourgeoise, il ne fallait pas trop rêver, et encore moins s’écouter. Je suis l’aînée de quatre enfants, autant dire que personne ne s’était jamais intéressé à mes états d’âme… Alors, des études de psychologie, impossible ! Puis il y a eu Matthieu, mon ingénieur de mari. Quand je l’ai rencontré, j’avais 19 ans, et lui, 23. Je l’ai connu au mariage d’un de mes cousins et on ne s’est pas quittés depuis.

Trois ans après, Romain est né puis, cinq ans plus tard, Lætitia. Après plus de vingt ans de vie commune, notre couple s’était assoupi dans une routine un peu ennuyeuse. J’avais l’impression que Matthieu me considérait comme un meuble de famille dont on ne veut pas se débarrasser mais qu’on a oublié dans un coin ! Et on ne faisait l’amour qu’épisodiquement… Tout est allé très vite avec Florian. On se croisait dans le couloir, à la machine à café, dans l’ascenseur, on aurait presque dit qu’on le faisait exprès. On se souriait en se dévorant des yeux. Parfois, je le ramenais en voiture car il habitait sur mon chemin. C’était un jeu agréable qui mettait un peu de piment dans ma vie. Un fantasme, sans passage à l’acte possible ! Pourtant, chaque matin, je ne désirais qu’une seule chose, le croiser encore et encore.

Un soir, alors qu’il pleuvait et que je rentrais chez moi en voiture, je l’ai aperçu dans la rue en train de courir. J’ai klaxonné. Florian est monté sans dire un mot. Il était trempé et avait l’air grave. Soudain, il a posé sa main sur ma cuisse. J’ai frissonné. Nous n’avons pas échangé un mot pendant tout le trajet, puis je me suis arrêtée dans sa rue. « Viens ! » s’est-il écrié. Quelle folie ! Quand je suis entrée chez lui, j’étais hyper tendue. Il m’a servi un verre de vin et est allé prendre une douche. J’ai envoyé un SMS à Matthieu : « Encore en réunion. Ne m’attendez pas pour dîner. » Florian est sorti de la douche en peignoir. Il s’est assis à côté de moi et m’a embrassée doucement. Je lui ai demandé d’éteindre la lumière.

J’avais peur qu’il ne me trouve moche. Mes vingt ans de plus, mes seins alourdis par deux grossesses et mes petits bourrelets ! « Je veux te voir. Tu es belle ! » m’a-t-il dit en me caressant. Nous avons fait l’amour sur son Clic-Clac.
Je n’avais jamais eu autant de plaisir… Moi qui pensais que j’étais devenue frigide avec le temps ! C’était l’accord parfait. Sa peau, ses gestes, ses mots m’étaient familiers. 21 heures ! J’ai sauté dans mes habits en l’embrassant. Quand je suis rentrée, Matthieu était devant la télé et m’a demandé sans se retourner : « Bien, ta réunion ? » « Oui », ai-je répondu avant de m’enfermer dans ma salle de bains. Moi, une fille plutôt coincée, je venais d’avoir un orgasme avec un garçon de l’âge de mon fils ! J’ai reçu un SMS de Florian : « A demain, vite ! » Le lendemain matin, Florian est entré dans mon bureau, un grand sourire aux lèvres.

« On se voit quand ? » J’étais à deux doigts de lui dire que, lui et moi, ce n’était pas possible, mais j’ai craqué. On s’est vus deux fois de suite dans la semaine, toujours chez lui. « Tu es mon âme sœur », m’a-t-il lancé en me regardant me rhabiller. Cela m’a émue. Je savais que notre relation ne pouvait pas durer, mais je ne pouvais lutter contre l’envie irrépressible d’être avec lui. Puis Florian a fait un pot de départ à la fi n de son stage. J’étais à la fois tris te et soulagée. Cela allait être plus facile de rompre si je ne l’avais pas tous les jours sous les yeux ! Il allait passer un BTS banque en alternance et avait trouvé une agence concurrente pour l’accueillir. Sans piston, cette fois-ci. J’étais fière de lui.

Puis mon mari est tombé sur ce texto de Florian : « Viens chez moi ce soir. » J’ai tout dit à Matthieu… sauf l’âge de Florian ! Mon mari est entré dans une colère noire, il a eu des mots très durs : « Je ne te ferai plus jamais confiance ! » Et a claqué la porte. Il est parti vivre chez sa sœur, en refusant de m’adresser la parole pendant plusieurs semaines. De mon côté, j’ai revu Florian. J’ai même cru que ça pourrait marcher entre nous. Que je pourrais me moquer du jugement des autres. Jusqu’au jour où, en sortant de chez lui, on est tombés nez à nez avec ses parents qui habitent dans le même quartier. J’étais blême. Florian, lui, semblait sûr de lui : « Je vous présente Bénédicte. » Ses parents ont eu l’air surpris, mais m’ont tendu la main, sans faire de commentaires.

J’aurais voulu mourir à cet instant précis. Et c’est à ce moment-là que mon désir de vivre avec Florian s’est éteint. Jamais je ne pourrais assumer notre différence d’âge. Et comment imaginer une seconde le présenter à mes enfants ? Notre scène de rupture a été déchirante. Florian m’a dit que j’étais lâche, qu’il me détestait. On a beaucoup pleuré. Je ne souhaite à personne de devoir quitter un homme qu’on aime autant. Mais je sais aujourd’hui que j’ai pris la bonne décision. Depuis, Matthieu et moi avons divorcé et nos relations sont apaisées. Notre couple ne marchait plus depuis longtemps déjà. Et c’est Florian qui en a été le révélateur. D’ailleurs, Matthieu a retrouvé une copine moins de quatre mois après notre rupture… Et puis je me suis inscrite à une formation en ressources humaines. Moi qui croyais être trop vieille pour changer de cap professionnel, grâce à Florian, j’ai trouvé une nouvelle jeunesse.