La France restait samedi sous la menace terroriste et les forces de l'ordre recherchaient la compagne d'un des trois tueurs islamistes. Le pays en deuil s'apprête à manifester.
Alors que le gouvernement a reconnu des «failles» dans la sécurité, la France se préparait parallèlement à une gigantesque marche ce dimanche à la mémoire des victimes, en présence de nombreux dirigeants étrangers.
La traque des auteurs de l'attentat contre Charlie Hebdo (12 morts) s'était achevée dans le sang vendredi: les deux frères djihadistes Saïd et Chérif Kouachi ont été tués, ainsi qu'Amedy Coulibaly, avec lequel ils étaient liés, responsable d'une prise d'otages dans un supermarché juif de l'est de Paris. Quatre personnes ont été tuées dans le magasin par Coulibaly qui avait tué la veille une policière.
Les frères Kouachi et Coulibaly ont affirmé avant d'être abattus s'être coordonnés et ont revendiqué leur appartenance respectivement à Al-Qaïda au Yemen et au groupe Etat islamique.
Le procureur de Paris François Molins a révélé vendredi soir que des liens «constants et soutenus» existaient au travers de leurs compagnes entre Chérif Kouachi, et Amedy Coulibaly.
Très religieuse
La femme de Chérif Kouachi, Izzana Hamyd, est détenue depuis mercredi par la police. La compagne de Coulibaly, Hayat Boumeddiene, 26 ans, est devenue de son côté la femme la plus recherchée de France.
Selon le procureur, Izzana Hamyd a «passé plus de 500 appels sur l'année 2014 avec la compagne de Coulibaly».
Cheveux longs, visage enfantin, Hayat Boumeddiene est très religieuse et porte le voile intégral, ce qui l'a contrainte à renoncer à un emploi de caissière, détaille samedi le quotidien Le Parisien.
Née d'un père livreur, membre d'une fratrie de 7 enfants, elle a épousé Coulibaly religieusement en 2009. Sa mère est décédée en 1994, ajoute le journal.
Les frères Kouachi, Français d'origine algérienne, avaient basculé dans l'islam radical, l'aîné s'étant entraîné avec Al-Qaïda au Yémen alors que le cadet avait été impliqué dans une filière de recrutement de djihadistes pour l'Irak.
«la France n'en a pas terminé avec les menaces»
Amedy Coulibaly, délinquant multirécidiviste déjà condamné dans une affaire d'extrémisme islamiste, avait rencontré Chérif Kouachi en détention, où il s'est radicalisé.
Coulibaly, dont les parents sont d'origine malienne, a justifié son action devant les personnes qu'il retenait en otages, citant notamment l'action militaire française au Mali et les bombardements occidentaux en Syrie, dans une conversation enregistrée et diffusée samedi sur la radio RTL.
Une réunion de crise s'est tenue samedi matin autour du président François Hollande, qui doit permettre de revenir sur les opérations des derniers jours, de faire un point sur les mesures de sécurité.
Le chef de l'Etat français avait salué «le courage, la bravoure, l'efficacité» des forces de l'ordre. Dénonçant la prise d'otages dans un supermarché casher comme «un acte antisémite effroyable», il a averti que «la France n'en a pas terminé avec les menaces».
Dans une vidéo diffusée vendredi, un responsable religieux d'Al-Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa) a menacé la France de nouvelles attaques, a révélé un centre de surveillance américain des sites islamistes, SITE.
Manifestation monstre
«Vous ne serez pas en sécurité tant que vous combattrez Allah, Son messager et les croyants», a menacé ce responsable, Harith al-Nadhari.
Le bilan pour des actes terroristes en France est sans précédent depuis au moins un demi-siècle et laisse un pays en proie à un profond traumatisme et à de nombreuses interrogations sur son dispositif de sécurité.
Le premier ministre Manuel Valls a reconnu «des failles» dans le renseignement, en raison du nombre des victimes, rappelant les «centaines d'individus qui partent en Syrie et en Irak» où ils sont «formés au terrorisme».
Chérif Kaouchi était bien connu des services de renseignements français, et les deux frères étaient inscrits «depuis des années» sur la liste noire américaine du terrorisme.
Ces tueurs «sont des gamins de France» qui ont été «fanatisés ici», constate amèrement Libération. «Justice est faite» pour Le Figaro, qui estime cependant, comme l'a dit François Hollande vendredi soir, que «ce dénouement ne marque pas (...) la fin de la guerre engagée contre notre pays par des fanatiques».
Dans une France bouleversée, une manifestation monstre se tiendra dimanche à 14h GMT en présence du président Hollande et de nombreux dirigeants européens dont le Britannique David Cameron, l'Allemande Angela Merkel, l'Italien Matteo Renzi et l'Espagnol Mariano Rajoy.
Simultanément, des rassemblements à la mémoire des victimes auront lieu au Canada et aux Etats-Unis.
5 millions de tweets
Une conférence sur le terrorisme dimanche à Paris réunira par ailleurs douze ministres de l'Intérieur européens et américain.
L'attentat contre Charlie Hebdo, qui a fait 12 morts, dont les principaux caricaturistes du journal, et 10 blessés, a provoqué une onde de choc dans le monde entier, faisant naître un slogan de solidarité: «Je suis Charlie». Le hashtag #JeSuisCharlie« a passé vendredi la barre des 5 millions de tweets, a annoncé Twitter France.
Hayat Boumeddiene, la femme la plus recherchée de France - Photo à titre d'illustration