Un patron flamand a décidé de se séparer de sa nouvelle recrue après avoir aperçu ses dents, d'abord cachées sous un masque buccal, rapportent nos confrères du Nieuwsblad. Victime de discrimination, l’employée a obtenu gain de cause devant le tribunal du Travail d’Alost.
Justine (NDLR: prénom d’emprunt) a 35 ans et souffre d’une anomalie dentaire héréditaire. Conséquence? Ses dents se cassent facilement. Une opération destinée à enlever ses dents avant l’installation d’un dentier a été reportée à deux reprises. D'abord en raison de sa grossesse, ensuite à cause de la crise sanitaire.
En août 2020, elle postule pour un emploi auprès d’un courtier en assurances. Tout au long du processus de recrutement, elle respecte les règles et porte un masque buccal. “C’était encore l’usage à l’époque et en plus, j’avais un membre de ma famille qui était un patient à risque”, raconte la jeune femme, qui souhaite conserver l’anonymat. Elle apprend rapidement que sa candidature a été retenue et qu’elle est autorisée à commencer sa nouvelle mission dès le 1er octobre.
Une première (et unique) journée plutôt mouvementée. “Une collègue m’a proposé une tasse de café, j’ai accepté. J’ai enlevé mon masque buccal et elle a vu mes dents cassées. J’ai expliqué que c’était le résultat d’une maladie héréditaire et qu’une opération prévue avait été reportée. Elle n’a rien dit, mais lorsque je suis revenue après ma pause déjeuner, on m’a appelée à l’écart et on m’a dit que je ferais mieux de trouver un autre emploi. J’ai dû signer un document mentionnant que j’acceptais d’être licenciée. Ma confiance en moi en a pris un fameux coup. Je voulais partir de là le plus vite possible.”
Justine contacte alors Unia, le centre pour l’égalité des chances, qui essaie de nouer contact avec l'ancien employeur. Des invitations rejetées à deux reprises. Une action en justice devant le tribunal du travail d’Alost est ensuite lancée.
L’employeur se défend
Appelé à s’expliquer, l’employeur se défend en faisant valoir que la femme avait dissimulé des informations importantes lors de sa candidature. Selon eux, elle aurait dû évoquer spontanément son problème dentaire. “Je n’ai pas pensé à cela à l’époque”, assure la principale concernée. “On m’a toujours appris que les capacités primaient sur l’apparence et j’ai essayé de les mettre en valeur. Je savais aussi que mon problème serait résolu. C’est le cas désormais. J’ai maintenant un dentier.”
Les avocats de la défense affirment également que la femme a agi de manière colérique et s’est montrée agressive verbalement, qu’elle n’a pas accepté une pause déjeuner proposée. Des allégations niées. “Ces mensonges me pèsent. Jusqu’à aujourd’hui, j’en souffre. Heureusement, j’ai trouvé un nouvel emploi entre-temps, auprès de la commune.”
Dommages et intérêts
Selon le tribunal, le bureau d’assurance n’était pas en mesure objectiver les arguments qui ont conduit au licenciement. Les employeurs ne peuvent pas licencier à la légère des (futurs) employés sur base de l’apparence, d’un handicap, etc. Les juges ont accordé des dommages et intérêts à l’employée licenciée. Le versement de six mois de salaire brut en réparation du préjudice matériel et moral subi a été requis.
Le président du tribunal a également précisé que “l’argument selon lequel l’employée provoque des réactions négatives de la part des clients ou des collègues en raison de son apparence ne peut (être) considéré comme un motif légitime pour justifier la discrimination”.
Unia rappelle que les employeurs sont autorisés à exiger une apparence soignée de leurs employés, notamment lorsqu’ils sont en contact avec la clientèle. Mais ils ne peuvent pas faire de discrimination sur base notamment de l’apparence, de la taille, du poids ou d’un handicap.
Il découvre les dents de sa nouvelle employée et la licencie dès son premier jour de travail - Photo à titre d'illustration