En 1993, Jean-Claude Romand assassinait sa femme, ses deux enfants et ses parents. Il craignait d'être démasqué par les siens. Il recouvre ce vendredi une liberté sous conditions, dans un couvent.
Après une vie à mentir sur sa fausse identité de chercheur auprès de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) à Genève, croulant sous les dettes, redoutant que son imposture soit découverte, Jean-Claude Romand, 38 ans, décime sa famille au matin du 9 janvier 1993. En 1996, il est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d'une période de sûreté de 22 ans, pour ses crimes perpétrés en France voisine, à 10 km de Genève.
L'assassin, âgé aujourd'hui de 65 ans, et son avocat, Me Jean-Louis Abad, ont dû s'y reprendre à plusieurs reprises pour obtenir la libération conditionnelle du «Dr Romand». Mercredi à Bourges (F), une audience de la Chambre d'application des peines a confirmé la décision de la Cour d'appel de le libérer sous conditions. Décision intervenue en avril dernier. Le sexagénaire devra porter un bracelet électronique durant deux ans.
Dernière nuit en prison
Vendredi, après 26 ans de prison, le criminel mythomane sera transféré de la Maison centrale de Saint-Maur, dans la banlieue de Châteauroux (Indre), vers un établissement religieux ainsi que la justice l'a exigé. Il rejoindra, à quelques kilomètres de son lieu de détention, une communauté de moines traditionalistes. Une vie monacale contre une vie de détenu avec de hautes exigences dont celle de sortir du couvent selon des clauses très strictes. Il lui est également interdit de se rendre dans les régions Rhône-Alpes, Bourgogne-Franche-Comté et Île-de-France, là où il a sévi. Pas de contact non plus avec la famille des victimes et leurs proches. Enfin, défense d'évoquer publiquement son affaire, en particulier avec les médias.
«Sous l'emprise d'une pulsion»
Durant 18 ans, Jean-Claude Romand a menti à tout le monde. A sa famille, à ses parents, à ses amis. Il s'est inventé une vie qui n'a jamais existé. Il prétendait, alors qu'il était sans emploi, être un brillant médecin, éminent chercheur à l'OMS à Genève. Le samedi 9 janvier 1993, alors qu'il commence à être à court de liquidités escroquées dans son entourage et que son épouse commence à le soupçonner, il décide, «sous l'emprise d'une pulsion», dira-t-il lors de son procès en 1996, de faire taire à jamais ceux qui pourraient le confondre.
Il tue les siens et regarde la télévision
Ce jour-là, à son domicile de Prévessin-Moëns (Ain), aux portes de Genève, il assassine son épouse Florence, pharmacienne, avec un rouleau à pâtisserie dans leur chambre. Il poursuit sa folie criminelle en tuant ses deux jeunes enfants, également dans leur chambre, Caroline, 7 ans, et Antoine, 5 ans, avec une carabine 22 Long Rifle équipée d'un silencieux. Comme si de rien n'était, ce praticien raté, qui n'a jamais dépassé la deuxième année de médecine, range sa maison, vide la boîte aux lettres, se fait voir en ville achetant des journaux. Une fois rentré, les corps des siens à l'étage, il s'installe au salon et regarde la télévision.
Sa maîtresse, unique survivante
Le lendemain, le dimanche 10 janvier 1993, il va déjeuner chez Aimé et Anne-Marie Romand, ses parents, qui vivent dans le Jura français, à Clairvaux-les-Lacs. Eux aussi, il les abat avec son 22 Long Rifle, de même que leur Labrador. Il remonte dans sa voiture et prend la direction de Paris pour retrouver son ex-maîtresse à laquelle il avait promis de lui présenter son ami imaginaire: Bernard Kouchner. En fait, ses intentions sont tout autres. Il prévoit de l'éliminer également. Il l'emmène en forêt, l'asperge de gaz lacrymogène et tente de l'étrangler. Elle le supplie. Il lui laissera la vie sauve, lui faisant jurer de ne rien dire et lui faisant croire qu'il souffre d'une maladie incurable.
Sauvé de ses brûlures aux HUG
Dans la nuit de dimanche à lundi, il asperge sa maison d'essence et boute le feu après avoir avalé des barbituriques périmés, pensant effacer toutes les preuves de ses assassinats et périr dans les flammes aux côtés des dépouilles de sa propre famille. Son stratagème ne fonctionnera pas. Les éboueurs tombent nez à nez avec le logement en feu et alertent les pompiers. Jean-Claude Romand est grièvement blessé. Il est transporté aux HUG à Genève. Et sera sauvé. La Gendarmerie nationale découvrira dans sa BMW un mot de sa main: «Un banal accident et une injustice peuvent provoquer la folie. Pardon.»
Il tarde pour demander sa libération
La faux médecin de l'OMS était libérable depuis 2015, année de la fin de sa période de 22 ans de sûreté. Jusqu'en septembre 2018, le condamné n'avait jamais fait de demande d'aménagement de peine ou déposé de demande de libération conditionnelle. Cette affaire criminelle avait défrayé la chronique à l'époque et inspiré le livre d'Emmanuel Carrère, intitulé «L'Adversaire». L'actrice et réalisatrice Nicole Garcia l'avait adapté au cinéma en 2002. Daniel Auteuil incarnait le «médecin» français.
Avec Le Matin
Le faux médecin de l'OMS qui avait assassiné sa femme, ses deux enfants et ses parents sort de prison après 26 ans - Photo à titre d'illustration