Noora Al Shami avait 11 ans lorsque ses parents l'ont obligée à épouser un cousin éloigné. Cette enfant du Yémen était alors ravie de pouvoir "jouer à l'adulte". Elle se souvient dans les pages du Guardian d'une fête de trois jours, dans la ville portuaire d'Al Hudaydah. Il y avait des chants, des danses traditionnelles, la nourriture était abondante et la petite fille a pu porter "trois très belles robes", une pour chaque jour de fête.
"J'ai pu mettre des bijoux, avoir des cadeaux", se souvient Noora, aujourd'hui âgée de 35 ans. Mais ces trois jours de rêve n'étaient que le début d'un cauchemar pour la fillette. Son mari avait trois fois son âge et "voyait le mariage comme un moyen d'agir comme un animal dépravé".
Noora veut raconter son histoire, pour que ça n'arrive pas à d'autres enfants. Il y a peu, on vous faisait écho du tragique destin d'une gamine yéménite de 8 ans, décédée suite à sa violente nuit de noces. Le flou demeure sur la véracité de cette histoire mais elle a eu le mérite d'attirer l'attention du monde entier sur cette problématique.
Noora regrette: "Mais ce n'est pas quelque chose qu'une loi va changer, surtout dans les communautés tribales. L'âge légal du mariage a été de 15 ans pendant un moment, mais ma mère était mariée à 9 ans, divorcée à 10 et remariée par deux fois ensuite."
Noora n'a jamais compris pourquoi on la forçait à se marier. C'était surtout une question d'argent. "Mon mari a fourni une dot de 150 dollars, c'était une somme énorme."
Dès la fin de la cérémonie, Noora a compris qu'elle allait vivre l'enfer. "J'ai tout de suite commencé à trembler et pleurer." Elle s'est enfuie la première fois que son mari l'a déshabillée. Elle a réussi à lui échapper durant dix jours. Quand il lui a finalement pris sa virginité, Noora a été transportée à l'hôpital. "Je n'étais qu'une enfant traitée comme un objet sexuel. Mais l'abus n'a jamais arrêté. Personne ne s'intéressait à mes plaintes, puisque j'étais mariée."
Après deux fausses couches en un an, Noora a accouché de son premier enfant à 13 ans. Elle en a eu deux autres, à 14 et 15 ans. Toutes les grossesses furent problématiques. Le mari de Noora la frappait lorsqu'elle était enceinte. Il frappait également ses enfants.
Après dix ans d'attaques, Noora a trouvé le courage de rejoindre un projet mené par Oxfam et destiné à aider les victimes de violence domestique au Yémen. Elle a pu divorcer et aujourd'hui, elle espère pouvoir éduquer ses enfants convenablement. Elle est retournée à l'école pour devenir enseignante.
Noora veut "changer la vie" des enfants du Yémen. "Pas seulement sur papier. Nous avons besoin d'un changement culturel complet." Son témoignage poignant est sa manière d'y contribuer.
Le témoignage poignant d'une enfant mariée de force à 11 ans - Photo à titre d'illustration