"Des centaines, peut-être des milliers". Des foyers menacés d'être privés d'eau, Marc Fazio en a aidé durant sept années. Cet ancien chargé de clientèle terrain chez Veolia en a payé le prix fort : licencié en 2013 après vingt ans de service, l'homme de 49 ans comparaît jeudi devant le Conseil des prud'hommes d'Avignon, où il a engagé une procédure contre le géant de l'énergie.
Couper l'eau à des familles, pour factures impayées, "ce n'était pas mon boulot", nous explique-t-il. "J'ai accepté cette mission supplémentaire en 2006 pour dépanner, car on m'avait indiqué que c'était provisoire". Un provisoire devenu pérenne. "On a fini par me dire : c'est comme ça. Tu prends la fiche du client, tu leur coupe l'eau et tu te tais", raconte l'ancien salarié.
Menaces et intimidations
Sauf que Marc Fazio n'est pas comme ça. "Cela me posait un vrai problème moral. Je me déplaçais chez ces gens, je voyais leur situation difficile", se souvient-il. Alors durant sept ans, il tente de trouver des solutions avec les clients, au cas par cas. Sa hiérarchie s'en agace. Et la situation vire selon lui au harcèlement. "Je subissais des intimidations, on m'a dit un jour qu'on allait m’enlever ma voiture", nous explique-t-il avec sa voix posée et son fort accent du sud. Et puis un jour de 2013, c'est le licenciement. Une vague de solidarité déferle, avec le soutien de l’Union locale CGT, du Front de gauche local et du Collectif des usagers de l’eau.
Pour Veolia, derrière cette belle histoire ne se cache qu'un banal contentieux salarial. "Monsieur Fazio s'est mis dans une position de chantage : il voulait bien couper l'eau mais exigeait en échange une revalorisation de salaire", nous affirme ainsi Bruno Chaloin. Pour le responsable du secteur Vaucluse, notre Robin des bois est avant tout un "habile communicant", qui a collé "un volet social à l'affaire" parce qu'il n'avait pas obtenu satisfaction.
Des méthodes douteuses ?
"On connaît bien ce discours", nous rétorque, amer, Thierry Lapoirie, secrétaire général de l’Union locale CGT. "Mais tout le monde savait à l'époque ce que faisait Marc Fazio, il ne s'en cachait pas. Il venait en aide aux gens pour les protéger des abus". Ces abus, le Collectif des usagers de l’eau du Grand Avignon les dénonce à son tour : "Nous avons de nombreux témoignages qui attestent que Veolia intervient sans respect des délais, mettant les abonnés devant le fait accompli ", affirme-t-il. "Des erreurs d'envoi ou de logistique, qui ne représentent qu'une quinzaine de cas sur 100.000 dossiers traités chaque année", assure Veolia.
Il faut dire qu'une coupure puis une réouverture d'eau rapporte gros : "80 euros et les frais de paperasserie facturés aux clients", détaille Marc Fazio. A Veolia, "un service entier y est d'ailleurs dédié, où travaillent aujourd'hui une dizaine d'intérimaires", assure la CGT. En clair : "Des salariés dociles et pas des Marc Lazio", raille-t-on. Pot de terre contre pot de fer : les deux camps semblent aujourd’hui irréconciliables. Qui l'emportera ? Verdict jeudi.
Licencié pour avoir refusé de couper l'eau à des familles pauvres - Photo à titre d'illustration