Une petite voiture bleue en flammes, deux hommes à l’intérieur. Le 28 octobre, Martin Mwamba a craqué : en plein centre-ville de Lubumbashi, deuxième ville de la République démocratique du Congo (RDC), ce chauffeur de taxi s’est immolé par le feu en tenant fermement un policier de la circulation routière (PCR), communément appelés « roulages ».
Martin Mwamba, 47 ans, est mort. Mais sur son lit d’hôpital, faible et déterminé, il a raconté à des journalistes qu’il était « licencié en économie » mais que, faute d’emploi, il s’était résolu à devenir taximan. « Je dois garantir quand même la survie de mes enfants, mais nous sommes toujours victimes de tracasseries de la part des PCR », s’est-il lamenté.
Ses plaintes n’ont « jamais » été examinées et il en était « profondément frustré », rapporte un communiqué de l’Association congolaise pour la justice (ACAJ) publié le 3 novembre. Il avait d’ailleurs menacé le policier qui s’était invité dans sa voiture le 28 octobre en espérant a priori soutirer quelques billets au chauffeur.
Martin Mwamba lui avait intimé l’ordre de sortir de son véhicule, ou alors se préparer à mourir avec lui. Incrédule, le policier l’a provoqué. « Il m’a donné le briquet dans sa poche… J’ai pris l’essence, j’ai aspergé, c’est quand j’ai allumé… qu’il a vu que c’était sérieux. Il voulait fuir, je l’ai tenu », a expliqué le chauffeur à la presse.
Un avertissement à l’attention des autorités
« Son acte désespéré doit nous interpeller sur l’urgence d’instaurer l’Etat de droit en RDC. Ainsi, nous honorerons également sa mémoire », a déclaré sur son compte Twitter, Moïse Katumbi, gouverneur de l’ex-province du Katanga et probable candidat à la présidentielle prévue en novembre 2016.
Vendredi, tandis que plusieurs taxis circulaient avec une photo du chauffeur, porté en héros, un nouveau drame a failli se produire. « Un autre chauffeur a tenté de s’immoler vers 10 heures au même endroit », parce qu’il était « dérangé » par des policiers, affirme André Tubomeshi, l’avocat qui a suivi l’affaire de Martin Mwamba.
Timothée Mbuya, président de l’ONG Justicia, lit dans ce drame un sérieux avertissement à l’attention des autorités, qui « traduit la forte tension sociale, politique et économique » qui s’empare du pays alors qu’il se prépare difficilement et dans un climat tendu à une série d’élections.
D’ailleurs, pour l’ACAJ, c’est le gouvernement qui est responsable de la mort de Martin Mwamba, enterré le 2 novembre, car « il n’offre pas d’emplois aux jeunes diplômés, n’améliore pas les conditions socioprofessionnelles de ses agents et fonctionnaires, laisse s’effondrer tous les mécanismes de recours et protection des citoyens ».
Des robots à la place des policiers ?
Le drame s’est déroulé à quelques dizaines de mètres d’un des « robots roulages » de Women’s Technology qui, dotés de caméras, peuvent amener les conducteurs à « respecter le code de la route » et dissuader les policiers d’avoir des « comportements nuisibles », selon Sébastien Kirongozi, administrateur de l’association.
Ces machines 100 % congolaises gèrent en partie la circulation en donnant le feu vert ou rouge aux automobilistes. A Kinshasa, des conducteurs en sont ravis, arguant que – contrairement aux policiers, qui gagnent parfois quelques dizaines de dollars par mois – ils n’inventent pas d’infractions fictives afin d’arrondir leur salaire.
RDC : Excédé par le racket policier, un chauffeur de taxi s’immole par le feu et devient un symbole - Photo à titre d'illustration