Une ouvrière chinoise doit verser au planning familial une amende de 330.000 yuans (54.200 dollars), soit quatorze années de salaire, pour avoir conçu un deuxième enfant et enfreint la stricte réglementation sur l'enfant unique.
L'affaire doit être entendue par un tribunal de Pékin vendredi mais Liu Fei, âgée de 41 ans, se trouve d'ores et déjà dans une situation impossible.
Ne pouvant payer l'amende qui lui a été infligée en 2011, l'ouvrière qui touche un salaire mensuel de 2.000 yuans (330 dollars) voit son deuxième fils dépourvu d'identité officielle, les services de l'état civil ayant refusé de lui délivrer un livret de famille ou "hukou".
Aux yeux des autorités, le petit garçon, du prénom de Xiaojie, est considéré comme le troisième enfant de Liu. Celle-ci a déjà eu une petite fille d'un premier mariage et son second mari est, lui, père d'un petit garçon.
Xiaojie est donc considéré comme un "enfant noir" comme environ 13 millions d'autres enfants n'ayant jamais été officiellement recensés. Dans la culture chinoise, la couleur noire est chargée d'une connotation d'illégalité.
"Lorsque j'ai vu l'amende, j'ai pensé que cela n'était pas possible", a raconté Liu, en pleurs. "Je n'avais pas imaginé que l'amende pouvait être aussi élevée. Si j'avais su, je n'aurais jamais donné naissance" à cet enfant.
En désespoir de cause et cherchant à pouvoir acquitter l'amende, Liu a un moment envisagé de vendre l'un de ses reins. Elle s'est renseignée sur internet mais certains acquéreurs éventuels lui ont expliqué qu'elle était trop âgée.
Le petit garçon, qui est scolarisé dans une école primaire où il n'a pas eu à présenter son hukou, a alors proposé lui-même de vendre un de ses reins.
Cette affaire intervient alors que les autorités chinoises envisagent un assouplissement de la stricte politique de l'enfant unique, sans pour autant la remettre totalement en cause.
COMME UN CHIOT OU UN CHATON
Comme l'expliquait Ma Jiantang, directeur du Bureau national de la statistique, les autorités refusent dans la plupart des cas la délivrance d'un livret aux familles ayant un deuxième enfant car ces dernières sont dans l'impossibilité d'acquitter l'amende infligée par le planning familial.
"Sans un hukou, vous ne pouvez pas aller à l'école, vous ne pouvez pas vous engager dans l'armée, passer des examens, vous marier, ouvrir un compte en banque ou prendre l'avion ou le train", a expliqué Yang Zhizhu, ancien professeur de droit à Pékin, qui a perdu son emploi en 2010 pour avoir eu une deuxième fille.
"Sans ce document, vous êtes comme un chiot ou un chaton qui est élevé à la maison", indique Huang Yizhi, l'avocat de Liu.
L'amende, désignée sous le nom de "commission pour le soutien social", est versée au budget de l'Etat afin de compenser par avance les ressources et les services publics que l'enfant sera amené à utiliser.
En 2012, l'ensemble de ces commissions s'élevait à 16,5 milliards de yuans (2,7 milliards de dollars) et leur affectation exacte demeure relativement obscure, selon un avocat de la province du Zhejiang, dans l'est du pays.
Liu ne se fait guère d'illusion sur ses chances de convaincre la justice lors de l'audience de son affaire. "Si le droit était juste, je pense que le problème serait résolu. Mais qui d'entre nous croit dans la loi aujourd'hui ?"
Une Chinoise condamnée à une amende exorbitante pour un 2e enfant. - Photo à titre d'illustration