Hidekichi Miyazaki n'a pas froid aux yeux. Ce Japonais lance un défi à... Usain Bolt, l'homme le rapide du monde. Petit détail: M. Miyazaki va sur ses 104 ans!
Si le Jamaïcain collectionne les titres et records mondiaux ou olympiques, ce "petit" Monsieur Miyazaki - 1m53 pour 42 kilos - peut lui se vanter de détenir le record du monde du 100 mètres des 100 ans et plus: 29,83 secondes. Du coup, ses copains de stade lui ont trouvé un surnom parfaitement adapté: "Golden Bolt". Et après une course, il remporte d'ailleurs un franc succès en prenant "LA" pose légendaire du Jamaïcain.
L'AFP a rencontré ce "Golden Bolt" il y a quelques jours à Kyoto où se déroulait une compétition d'athlétisme pour seniors. Plutôt des seigneurs d'ailleurs, à les regarder se concentrer et suer dans la torpeur estivale japonaise rythmée par le tintamarre des cigales. Flottant et maillot rouge vif, Miyazaki passe la ligne bon dernier de son 100 mètres en 38,35 secondes, loin derrière le vainqueur, un "perdreau de l'année" de 82 ans. Mais pas grave! Il semble frais comme une rose. Un petit peu essoufflé tout de même.
J'entretiens le rêve
Très pro, il analyse le plus sérieusement du monde sa contre-performance: "Avant la course, j'ai fait une petite sieste, grosse erreur, j'étais un peu engourdi". Ah! et puis ces précieuses secondes qu'il a perdues au départ: comme il est un peu dur de la feuille, il n'entend pas toujours bien le coup de pistolet. "J'adorerais courir avec Bolt", dit-il entre deux gorgées d'une boisson fraîche que vient de lui tendre sa fille Kiyono, 73 ans. Et de raconter qu'une partie de sa forme, il la doit justement à sa descendante qui, tous les jours, lui donne de la confiture de mandarine. "J'entretiens le rêve, et j'essaye de rester dans la meilleure forme possible et en bonne santé. C'est important, même pour Bolt".
Difficile en le regardant, si peu ridé, les jambes fluettes mais musclées, d'imaginer qu'il est né en 1910, l'année où le Japon a annexé la Corée, et avant les deux guerres mondiales. "J'ai un petit corps, alors je fais attention à ce que je mange. Chaque bouchée, je la mastique 30 fois avant d'avaler. Comme ça mon estomac est content et ça m'aide à courir. Sans oublier ma confiture de mandarine!"
Dans un pays où l'on jouit de la plus longue espérance de vie au monde, ce petit lutin rouge est probablement la plus incroyable mascotte des "papys et mamies turbos". La fédération d'athlétisme des seniors compte pas moins de 6.000 adhérents, et tous les ans il y a une quarantaine de compétitions à travers le pays.
"Golden Bolt", lui, se donne encore cinq ans avant de remiser les souliers! "je suis encore jeune, je peux encore progresser". Il faut dire que ce pépé originaire de la préfecture de Shizuoka (200 km au sud de Tokyo) connue pour son thé vert aux vertus médicinales, a commencé l'athlétisme sur le tard, à 92 ans.Après être devenu le centenaire le plus rapide du monde en 2010, il vise maintenant un nouveau record, cette fois dans la catégorie des 105-109 ans. "C'est mon anniversaire le mois prochain, et c'est mon objectif, alors je m'entraîne". Pour ce nouveau record mondial, certes non homologué officiellement car cette catégorie n'existe pas, il suffira qu'il franchisse la ligne d'arrivée.
Les vieux du stade
Pas très loin de Miyazaki, Mitsue Tsuji vient de lancer le poids à 4,73 mètres. Juste avant, elle avait sauté 2,07 mètres en longueur et couru un 60 mètres en 13,85 secondes. Mme Tsuji a 85 ans et elle aussi est une débutante. "J'ai commencé à 81 ans. Mon pauvre mari était décédé, alors je me suis dit que ça ne servait à rien de rester toute seule à me morfondre à la maison".
Pendant que M. Miyazaki et Mme Tsuji s'éclataient à Kyoto, une autre "jeunette" avalait les kilomètres à Tokyo: à 78 ans Yoko Nakano prépare... son prochain marathon.Le premier, c'était pendant des vacances à Honolulu, "juste pour s'amuser", raconte-t-elle, le regard pétillant derrière ses lunettes. Elle avait 70 ans et avait bouclé la distance en 4 heures 4 minutes et 44 secondes. Son meilleur chrono: 3h53m42s. Après elle a enchaîné: New-York, Boston...Elle détient aussi le record du monde des 3.000 et 5.000 mètres pour les 75-79 ans.
L'an dernier, cette joyeuse septuagénaire avait bien failli tout arrêter après une opération à l'estomac. Et puis non! il fallait rebondir. Alors durant sa convalescence à l'hôpital, les infirmières se sont habituées à la voir tracer dans les couloirs. "Je marchais à peu près sept kilomètres tous les jours dans l'hôpital. En avril suivant, j'ai couru 30 km autour du Palais Impérial à Tokyo, et là je me suis dit: "ça y est, c'est bon!".Le mois prochain, elle, "Golden Bolt" et tous ces "vieux du Stade" se retrouveront dans la préfecture d'Iwate, dans le nord du Japon pour les championnats d'Asie des anciens.
"Je suis tombée l'an dernier, je pensais ne pas y aller, et puis mon fils m'a dit que je pouvais mourir à tout moment alors ça serait dommage de rater ça".
(Vidéo) À 103 ans, il défie Usain Bolt - Photo à titre d'illustration