Il y a 10 ans, le Probo Koala, un cargo, a entamé un trajet de quatre mois qui s’est achevé avec le déversement illégal de déchets toxiques en Côte d'Ivoire.
L’impact de ce déversement a fait les gros titres dans le monde entier. Plus de 100 000 personnes ont dû recevoir des soins médicaux.
La multinationale pétrolière Trafigura a produit ces déchets toxiques à bord du navire, en raffinant un produit pétrolier noir, connu sous le nom de naphta de cokéfaction, dans le but de le mélanger à de l’essence puis de le revendre comme du pétrole. Trafigura savait que ces déchets étaient dangereux, mais n’avait déterminé comment s’en débarrasser de manière sûre.
Trafigura a essayé, en vain, de décharger ces déchets dans cinq pays : Malte, l’Italie, Gibraltar, les Pays-Bas et le Nigeria. Sa tentative de les évacuer à Amsterdam a provoqué un incident environnemental, après que des résident-e-s se sont plaints de l’odeur étourdissante et ont été victimes de nausées, de vertiges et de maux de tête. Trafigura a rejeté la proposition d’une entreprise spécialisée de traiter ces déchets en toute sécurité aux Pays-Bas, ce qui lui aurait coûté l’équivalent de 620 000 dollars américains.
Les déchets toxiques ont finalement été déversés illégalement en Côte d'Ivoire par une entreprise locale engagée par Trafigura afin de les éliminer pour à peine 17 000 dollars, soit beaucoup moins que le devis présenté par l’entreprise néerlandaise. On ignore encore à ce jour où la totalité des déchets ont été déversés.
Amnesty International pense qu’il s’agit là de l’histoire d’une entreprise donnant la priorité aux profits, au détriment des personnes, et d’une population continuant à attendre justice et réparations.
« Coût élevé »
Les déchets toxiques ont été créés à bord du Probo Koala par le biais d’un processus connu comme le « lavage à la soude caustique », qui a été utilisé par Trafigura pour « nettoyer » un produit pétrolier extrêmement sulfureux, mais bon marché, appelé naphta de cokéfaction.
Trafigura comptait ensuite mélanger le naphta de cokéfaction ainsi nettoyé avec de l’essence, vendre cela comme du pétrole sur le marché ouest-africain, entre autres, et réaliser des profits d’un montant de 7 millions de dollars par cargaison.
Le lavage à la soude caustique produit un déchet dangereux à l’odeur très forte, désigné sous le nom générique de « produits caustiques usés ». Rares sont les établissements qui sont disposés ou aptes à s’occuper de ce genre de déchets, car cela requiert un traitement spécialisé. Trafigura savait cela lorsque le lavage à la soude caustique a débuté, mais n’a pris aucune disposition pour se débarrasser des déchets en toute sécurité.
Entre avril et juin 2006, Trafigura a « lavé » au moins trois chargements de naphta de cokéfaction à bord du Probo Koala - c’était la première fois que ce processus était effectué en mer. Cela a généré plus de 500 m³ de déchets toxiques, qui ont été entreposés dans les réservoirs de stockage des déchets du navire.
Même à ce stade, Trafigura n’avait toujours pas déterminé ce qu’elle allait faire des déchets.
Elle a voulu s’en débarrasser à Amsterdam en les présentant comme des substances moins dangereuses - mais l’entreprise de retraitement a refusé lorsqu’elle a compris qu’elles étaient plus contaminées qu’elle ne le pensait. L’entreprise a alors demandé 544 000 euros (soit environ 620 000 dollars à l’époque) pour éliminer ces déchets de manière sûre. Trafigura a rejeté cette offre, en raison du « coût élevé ».
Trafigura a aussi essayé sans succès de décharger sa cargaison à Lagos, au Nigeria, contre seulement 7 000 dollars....
LA SUITE
Photo:AFP