Réponse du berger à la bergère. Franck Kouassi Sran, le porte-parole du président de la Commission dialogue, vérité et réconciliation (Cdvr), réagit avec véhémence, dans cet entretien, aux propos de Patrick Baudouin, le Président d’honneur de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (Fidh).
Celui-ci a qualifié, après qu’il a été reçu en audience par le chef du Parlement ivoirien, Soro Guillaume, mardi 22 octobre 2013, d’«extrêmement maigre » le travail accompli par la Cdvr.
Que répondez-vous à Patrick Baudouin, le Président d’honneur de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (Fidh), qui a qualifié, après qu’il a été reçu en audience par le chef du Parlement ivoirien, Soro Guillaume, mardi 22 octobre 2013, d’«extrêmement maigre » le travail accompli par la Cdvr ?
Franck Kouassi Sran : Je dois préciser que je n’aurais pas réagi si ces propos n’étaient pas ceux d’une personnalité censée connaître les exigences d’une mission telle que celle confiée à la Cdvr. Pour tout dire, j’ai été fort surpris par de tels propos qui m’ont tout l’air d’un jugement de valeur. C’est un jugement subjectif, partial et partisan. Que sait M. Baudouin, au juste, du travail de la Cdvr ? A-t-il eu connaissance des actions que nous avons menées conformément à notre plan de travail ?
Est-il informé que ce plan a fait l’objet d’un séminaire international, examiné, critiqué et validé par les plus grands organismes de justice transitionnelle au monde ? Sait-il dans quelle atmosphère l’ouvrage de la Cdvr a été conduit ? Pourquoi M. Baudouin a-t-il choisi de ne pas rendre visite à la Cdvr pour avoir les bonnes informations avant de s’étaler sur la place publique ? Je ne veux pas polémiquer.
Le temps de la réconciliation n’est pas le temps de la polémique. Je voudrais informer M. Baudouin que sur les six grandes activités inscrites au plan d’action opérationnelle de la Cdvr, trois (3) ont été totalement réalisées. D’un point de vue strictement mathématique, quand sur 6, vous obtenez 3, est-ce que votre bilan à mi-parcours est maigre ? La réconciliation est trop sérieuse. Il faut arrêter de jouer avec les mots pour juste satisfaire des intérêts partisans.
Selon vous, a-t-il raison quand il estime « que si ce processus devait se poursuivre, il faudrait le reprendre à zéro et qu’il faudrait vraiment donner à cette Commission un mandat précis, un mandat fort, consistant à pouvoir entendre les victimes, mener des enquêtes, pouvoir ensuite donner une publicité au travail d’une telle Commission de façon à ce qu’elle puisse émettre des recommandations aux plus hautes autorités du pays et qu’il y ait les réformes constitutionnelles, législatives, judiciaires qui peuvent s’imposer » ?
F.K.S : M. Baudouin est un adepte du pire ! Ça se voit, il n’a pas la bonne information. Il ne connaît, ni le mandat, ni le plan de travail de la Cdvr. S’il avait pris le soin de s’informer, il saurait que le processus conduit par la Cdvr n’a nullement besoin d’être repris à zéro, encore moins d’être reformé. Ce processus qui a parfaitement et depuis le début, intégré tous les points chers à M. Baudouin, a plutôt besoin du soutien de tous, d’un environnement apaisé, sécurisé, juste et équitable. Au surplus et par votre canal, je voudrais inviter M. Baudouin à venir rencontrer la Cdvr pour informations.
Que fait présentement la Cdvr quand on sait que son mandat de deux ans a expiré le 28 septembre 2013 ?
F.K.S :La Commission est au travail. Rien n’est arrêté. Elle prépare activement les trois dernières activités de son plan d’action à savoir : -Les auditions des victimes suivies des enquêtes (ce quie ignore M. Baudouin)-les audiences publiques et la rédaction suivie de la remise du Rapport final au chef de l’Etat. Rapport contenant les recommandations sur les réparations et autres reformes institutionnelles pour garantir la non-répétition.
Pourquoi Banny ne démissionne-t-il pas de la tête de la Cdvr comme le réclament des personnes ou des groupes de personnes ?
F.K.S :Vous constaterez que depuis un moment, c’est devenu la mode. Si ce n’est pas un chef de parti politique qu’on appelle à la démission, c’est un ministre, des fois même, on va jusqu’au président de la République. Si chaque fois que des gens crient démission, on devrait s’exécuter, alors ce serait quoi dans ce pays ? Soyons sérieux et responsables. Les gens sont libres de leurs opinions et je les respecte. Mais ce n’est pas encore la dictature des opinions, surtout quand elles ne paraissent pas objectives. Le président Charles Konan Banny est un homme responsable.
Un grand serviteur de l’Etat et de la Nation. Il n’a pas la même lecture que les gens dont vous parlez. Par ailleurs, on voit que toute cette agitation n’est pas anodine. Parce que la Cdvr s’apprête à écouter les victimes et à pointer du doigt les auteurs de violations. Nous comprenons donc que le sommeil de certains soit troublé.
Souhaitez-vous que votre mandat soit prorogé ou pas ?
F.K.S :C’est ce qu’indique implicitement le point du rapport transmis au chef de l’Etat. La mission n’est pas achevée. Il reste la partie consacrée aux victimes. Le temps des victimes est donc arrivé. Celui où tous ceux qui ont souffert doivent être identifiées mais aussi, celui où tous les auteurs de violations, de crimes doivent être connus. C’est le cœur même du travail de toute Commission vérité et réconciliation. Mais naturellement, le point de décision sur la prorogation du mandat appartient au président de la République.
Propos recueillis par SYLLA A.
A propos du bilan de la Cdvr : Le porte-parole de Banny répond au pdt de la FIDH - Photo à titre d'illustration