A Yamoussoukro, l’Institut polytechnique ambitionne de redevenir un pôle d’excellence en Afrique mais...

  • 28/10/2016
  • Source : Le Monde Afrique
Après plus de dix ans de déclin, le centre de formation d’élite a entrepris en 2012 un chantier de réhabilitation, mais les moyens manquent encore.

Le manque patent de formation supérieure et d’ingénieurs de qualité, associé au fort taux de chômage des jeunes qualifiés est un phénomène généralisé en Afrique, qui n’épargne pas la Côte d’Ivoire.

 

« Nous avions, dans les années 1960 jusqu’à 1990, l’un des systèmes éducatifs les plus performants du continent. Aujourd’hui, nos grandes écoles sont reprises en main, mais ça va prendre du temps », prévenait en septembre le ministre ivoirien du commerce, Jean-Louis Billon.

 

Le discours faisait directement référence à l’ancien fleuron de la formation d’ingénieurs du pays, l’Institut national polytechnique Houphouët-Boigny (INPHB). A une dizaine de kilomètres de Yamoussoukro, le site a démarré sa lente et coûteuse restructuration.

 

Il revient de loin : la décennie de crise politico-militaire qu’a connu le pays de 1999 à 2011 avait mis à mal l’immense institution publique, dont les bâtiments et la qualité de la formation avaient périclité. « Il fallait voir les hautes herbes qui envahissaient le campus, ce n’était pas du tout engageant », se rappelle M. Raphaël, chauffeur affecté à l’INPHB depuis les années 1980, face au gazon fraîchement coupé du bâtiment d’accueil.

 

« Revenir à sa vocation première »

« Depuis quatre ans, on essaie de faire émerger l’institut pour revenir à sa vocation première. La formation technique et scientifique de haut niveau, c’est ce que les entreprises demandent, et c’est ce qu’il faut pour contribuer à la redynamisation de notre pays », explique Koffi N’Guessan, le très dynamique directeur général à la tête de l’institut depuis 2012.

 

Installé par l’Etat pour ses qualités managériales, il entend moderniser les cinq écoles de l’INPHB – agronomie, commerce et administration des entreprises, mines et géologie, travaux publics, industrie – et ses trois classes préparatoires, sur le modèle des grandes écoles à la française. Déjà, des partenariats sont noués avec des centres de formation hexagonaux comme Montpellier SupAgro ou l’Ecole centrale de Lyon.

 

L’amorce de la réhabilitation s’est faite notamment avec le soutien de l’Agence française de développement (AFD, partenaire du Monde Afrique), dans le cadre du premier contrat de désendettement et de développement (C2D), en juillet 2012.

 

Ce dernier fonctionne sous forme de subventions allouées à l’Etat ivoirien pour l’apurement de sa dette, et directement reversées à l’INPHB. A l’entrée de chacun des trois grands sites de formation, les panneaux de travaux font ainsi apparaître en grosses lettres le logo de l’institution financière.

 

Cette première phase de 14,4 milliards de francs CFA (22 millions d’euros) a permis la réhabilitation des bâtiments, notamment au niveau de l’étanchéité : pendant la crise, il n’était pas rare de voir l’eau traverser les plafonds des salles de cours ou des bureaux.

 

Une partie des fonds a aussi permis l’acquisition de certains équipements d’urgence pour les laboratoires, dont le matériel était devenu obsolète ou inutilisable, et l’actualisation du système pédagogique des écoles d’agronomie (ESA) et d’industrie (ESI). Un deuxième C2D, débuté en décembre 2015, doit apporter un complément de 20 milliards de francs CFA. L’Ecole des mines (ESMG), élu centre d’excellence de la Banque mondiale, a aussi reçu à ce titre un don de 4,46 millions d’euros en 2015 pour renouveler ses équipements.

 

Pourtant, il faudra encore des efforts avant de retrouver des laboratoires et des ateliers pleins d’étudiants et fonctionnant à plein régime. Dans l’atelier de mécanique, seulement six machines (fraiseuses et tours) sur 47 sont en état de marche. « La formation théorique est à niveau, mais les étudiants sortent encore d’ici sans bonnes connaissances pratiques, déplore un professeur de l’ESI dans les murs depuis plus de trente ans. La qualité a beaucoup diminué par rapport aux années 1980. Ils ne peuvent pas s’entraîner à la mécanique numérique faute d’équipement. L’argent du C2D doit nous aider, mais on n’en a pas encore vu la couleur. »

 

Le directeur général adjoint de l’INPHB, Moustapha Sangaré, promet que le matériel sera « bientôt » remplacé, mais « pas dans la même quantité que l’existant », dans la logique des futurs programmes d’enseignement. « Les montants qui nous ont été alloués ne permettaient pas de tout faire », admet-il.

 

A 14 heures, fin de la pause déjeuner, les 3 008 étudiants de l’INPHB, tous logés dans le campus, quittent le self ou leur chambre pour rejoindre leurs salles de classes. Mais vu la taille du complexe, les couloirs semblent quasiment vides. Les 32 résidences rénovées, pourtant pleines à craquer, sont loin de faire vivre tout le potentiel et l’espace qu’offrent les écoles.

« L’INPHB, en passe de devenir une des meilleures écoles d’Afrique, peut aisément accueillir 20 000 étudiants », relève Victor Ndiaye, président du cabinet de conseil sénégalais Performance Group « On est en train de se battre avec nos partenaires pour étendre.

 

Il nous reste 600 hectares à bâtir ! lance Koffi N’Guessan. On a du mal à satisfaire les besoins dans les filières d’ingénieurs. » Il espère que, dès 2017, des travaux d’extension pourront démarrer, avec la deuxième phase du C2D. Mais le soutien de l’AFD seul est loin de suffire...LA SUITE