Bracodi s’est transformé en un champ de bataille, hier. Ce haut-lieu de la prostitution dans la commune d’Adjamé était à feu et à sang. Des jeunes du quartier, armés de gourdins, de machettes, de marteaux et de morceaux de bois scandent : « Elles (filles de joie, ndlr) doivent partir, nous ne voulons plus d’elles ici!».
Vêtus de pantalons Jeans dressés sur des tee-shirts, la centaine de protestataires chauffés à blanc, envahit l’artère principale du bled. Ils veulent en découdre avec des prostituées qu’ils accusent d’héberger des bandits dans leurs baraques. Nous sommes à proximité de la grande mosquée. Il est 10 heures. La tension est vive. Dans l’un des nombreux couloirs, certains manifestants dont l’âge varie entre 15 et 35 ans sont sur le pied de guerre.
Ils se précipitent sur le portail principal d’une cour. A l’aide de barres de fer, ils défoncent l’entrée principale. Ils mettent à sac la baraque. Plus loin, une jeune femme habillée en débardeur blanc et une culotte est assise sur des débris de maisons. Elle est en pleurs. Elle a été rouée de coups par la horde de jeunes gens, selon elle. On voit du sang asséché sur tout son corps.
«On ne sait pas ce qu’ils nous veulent. Ils nous accusent de couvrir les bandits. Ce qui n’est pas vrai. Cela fait plusieurs fois qu’ils nous attaquent. Nous sommes devenues leur cible. Ils nous volent », accuse B. Alice. A côté d’elle, une autre belle-de-nuit porte un soutien-gorge de couleur blanche, et un caleçon de couleur rouge. Elle lève les deux mains pour implorer l’aide du ciel. Pendant ce temps, à l’intérieur d’une autre baraque, d’autres racoleuses se mettent à l’abri. On aperçoit des vêtements, des chaussures et des sacs trainés dans les décombres. Apeurées, ces filles affirment qu’elles ne comprennent pas pourquoi elles sont violentées. C. Sali raconte qu’elle a été battue à sang.
«Quand ils sont venus, j’étais couchée dans la chambre. J’ai refusé de fuir car je ne me reproche rien. Je n’héberge pas de malfaiteur. Je fais mon travail un point un trait. Ils m’ont frappée avec des morceaux de bois. J’avais perdu connaissance», explique-t-elle en nous montrant ses blessures au dos et sur la tête. «Tout cela pourquoi ?», s’interroge la grue.
En plus de Sali et Alice, trois autres filles de joie ont été copieusement bastonnées. Elles ont été évacuées dans une clinique pour recevoir les soins appropriés. Pour Adama Traoré alias «Adamo», le responsable des jeunes de Bracodi, la présence des prostituées rime avec l’insécurité. Selon lui, les gangs à la machette ont pour refuge les maisons closes. « Les habitants du quartier ne veulent plus de ces prostituées ici. Elles hébergent des bandits. Elles vendent la drogue. Elles en consomment aussi. Les malfrats agressent la population.
Nous allons raser toutes ces maisons closes. Trop, c’est trop», se révolte-t-il. Alertées, les forces de l’ordre se déportent sur les lieux. Quatre équipages à bord de véhicules de type 4×4, deux du Centre de coordination des décisions opérationnelles (Ccdo), et les deux autres de la Brigade de sécurité (Bs), sont visibles à proximité de la grande mosquée. Tout s’accélère. Les éléments quadrillent le périmètre. Plusieurs manifestants sont appréhendés après des courses-poursuites. Il s’agit de Djibril Ouattara ; de Soumahoro Hamed. Ils ont été placés en garde-à-vue au violon de la brigade de gendarmerie.
DL (stagiaire)
Adjamé-Bracodi: Des riverains se révoltent contre les prostituées - Photo à titre d'illustration