Le ministre de la Justice, des Droits de l’Homme, Gardes des Sceaux, Mamadou Gnénéma Coulibaly était l’invité hier jeudi de ‘’Africa 24’’. A la tribune de la télévision panafricaine, le Garde des Sceaux a situé l’enjeu de l’adoption des lois relatives au Foncier, à l’Apatridie et à la Nationalité à l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire le 23 août passé.
L’Assemblée nationale a adopté le 23 août dernier les lois sur le Foncier, l’Apatridie et la Nationalité. Mamadou Gnénéma Coulibaly, vous êtes le ministre de la justice, des Droits de l’Homme et des libertés publiques de la Côte d’Ivoire. Dites nous d’abord quel est l’enjeu de ces lois qui viennent d’être adoptées ?
L’enjeu de ces lois, c’est fondamentalement la cohésion sociale. Que ce soit la loi sur le foncier qui matérialise et consolide les droits des citoyens sur le foncier, que ce soit l’Apatridie qui permet à un Etat de mesurer la portée des personnes qui n’ont pas de liens avec lui-même ou avec un autre Etat ou encore que ce soit la nationalité, à notre avis, tout cela concourt à faciliter la cohésion sociale. Et la Côte d’Ivoire en a bien besoin en cette phase de réconciliation nationale.
Effectivement, si l’ensemble des Ivoiriens est d’accord pour dire qu’il fallait absolument reformer et le Foncier et l’Apatridie et la Nationalité, force est de constater que ces lois ont été adoptées dans une Assemblée nationale où n’y a pas pratiquement d’opposition. Quelle crédibilité peut-on en faire ?
Il y a une opposition à l’Assemblée nationale. Mais seulement pas une opposition dans une coalition. Il se trouve simplement qu’une loi qui passe aisément est certainement le reflet d’un accord commun des partis qui sont à l’Assemblée nationale. Ces lois étaient donc attendues des Ivoiriens. Souvenez-vous que depuis 2003, à la sortie de la crise, ou à Linas Marcoussis, ces décisions ont été recommandées au gouvernement de réconciliation nationale. Celui-ci n’a pas eu le temps de les faire. Nous venons aujourd’hui pour rattraper ce temps perdu depuis 2003, 10 ans plutôt cela avait été déjà conçu.
Vous le dites, ces lois étaient attendues par les Ivoiriens. Est-ce qu’elles répondent précisément aux volontés et aux attentes de cette modestie par exemple. Est-ce que demain avec ces lois, on ne pourra plus parler d’Ivoirité ?
Oui, si ces lois sont bien appliquées d’ici peu, je pense qu’on on ne parlera plus d’Ivoirité parce que l’Ivoirité consiste généralement à mettre en doute la nationalité ivoirienne de quelqu’un qui manifestement a la possession d’Etat. Ici en consolidant cette possession d’Etat par un lien juridique avec la nation, nous pensons que nous contribuons à régler définitivement cette question d’Ivoirité.
Concrètement, aujourd’hui qui peut se targuer d’être Ivoirien. Celui qui est né en Côte d’Ivoire et celui qui a acquis la nationalité ?
Les deux cas sont possibles. Mais dans le cas des lois que nous avons portées à l’Assemblée nationale, peut se targuer d’être Ivoirien aujourd’hui celui qui est né en Côte d’Ivoire entre 1961 et 1972 même de parents étrangers. Celui qui était en Côte d’Ivoire en 1960 mais étant mineur de parents étrangers également ou alors celui qui a une résidence continue en Côte d’Ivoire, depuis le 07 août 1960, date de l’indépendance de notre pays. Donc il y a trois catégories de personnes au regard des lois que l’Assemblée nationale a adoptées qui peuvent se targuer d’être des Ivoiriens.
Mais ce qui est important, c’est qu’il faut retenir que ces personnes n’ont pas d’autres nationalités parce qu’elles se sont toujours considérées comme des Ivoiriens.
Cela veut dire que la double nationalité n’est-elle pas reconnue ?
Non on ne parle pas la double nationalité ici. Dans les cas où des personnes auraient des doubles nationalités, on ne parlerait pas de ces lois. On parlerait de la naturalisation qui est le passage d’une nationalité à une autre. Dans le cas d’espèce, ce sont des personnes qui vivent en Côte d’Ivoire, qui y sont nées et qui se considèrent comme des Ivoiriens mais qui malheureusement n’ont pas les documents administratifs qui peuvent attester de leurs liens juridiques avec la Côte d’Ivoire. C’est le problème que nous cherchons à régler.
Vous entendez probablement comme nous des gens qui disent que c’est bien beau d’avoir voté ces lois là. Mais reste que c’est aussi la porte ouverte à toutes les tentatives. Cela veut-elle dire veut dire que demain n’importe qui peut être Ivoirien et peut vouloir être à la tête de la Côte d’Ivoire alors qu’il n’en a pas forcement les compétences ni les acquis ?
Ecoutez, moi je suis d’une autre école. Moi je suis pour un Etat mosaïque, un Etat où celui qui peut apporter à une place. Mais je tiens à vous dire que nous veiller à ce que des mesures qui permettent de sérier, de trier entre les prétendants à la nationalité soient prises. Cela ne sera pas une distribution tout azimut de la nationalité. Il va falloir se présenter, remplir des conditions, se soumettre à des enquêtes.Tout cela est prévu dans le délai imparti aux gardes des Sceau, six mois, pour pouvoir vous délivrer un certificat de nationalité lorsque vous satisferez aux conditions. Il y a donc des contrôles. C’est clair que ces contrôles et ces enquêtes publiques se feront avec la participation de toutes les populations des lieux de résidence des personnes qui vont prétendre à cette nationalité.
Cela voudrait dire que ces lois sont une sorte de clarification de la situation qui a été mis en exergue notamment à l’occasion de la crise ivoirienne où on sait que beaucoup de personne ont perdu presque tout ne sachant plus s’ils ont des terrains, des maisons ?
Non, non ce n’est pas l’hypothèse. Sinon les personnes qui auraient perdu les pièces afférentes à leur nationalité ont la possibilité de faire des duplicatas. Là, il s’agit de reconnaitre à des personnes qu’il existe une preuve juridique de leurs liens avec la Côte D’Ivoire par voie de déclaration de se considérer Ivoirien. Cette situation n’est pas récente. Elle remonte à la crise. Je voudrais vous indiquer, si vous le permettez, que déjà en 1961 lors de l’acquisition de notre code de nationalité, les mesures que nous prévoyons aujourd’hui avaient été déjà prévues et devaient se dérouler sur 12 mois. Mais par ignorance et par analphabétisme cela n’avait pas été exploité. En 2004, au retour de Marcoussis, il y a eu encore cette période de transition avec les mêmes dispositions. Nous n’avons pas inventé la roue. Nous disons qu’en 2004 que cela n’a pas été efficace parce qu’il y a eu des décisions présidentielles qui ont atténué les effets de ces lois qui avaient été prises en 2004 de ma manière consensuelle…. Il s’agit pour nous, simplement aujourd’hui, de restituer aux lois de 2004 tous leurs effets.
Vous l’avez dit en début de cette émission qu’il y avait une forte besoin de cohésion sociale. En quoi ces lois peuvent-elle contribuer à la cohésion sociale entre Ivoirien ?
Vous savez si quelqu’un a subi une frustration et qu’il doit prendre part à la cohésion sociale dans un Etat, il va s’en dire qu’il ne le fera pas avec enthousiasme. S’il ya des frustrations, il peut également y avoir des conflits sociaux. Nous pensons que l’absence de situation juridique pour certains de nos concitoyens qui ont la possession d’Etat et qui se sont toujours considérés comme Ivoiriens, qui ont toujours vécu et respecté les règles de Côte d’Ivoire n’était pas une bonne chose. Si ces personnes ont légalement le droit de se considérer Ivoiriennes, je crois que cela va apporter du sourire et va participer à cette cohésion et à la paix sociale.
KM
Adoption des lois sur le foncier, l’apatridie et la nationalité / Gnénéma fait des clarifications : ‘‘Il s’agit pour nous de restituer aux lois de 2004, tous leurs effets’’ - Photo à titre d'illustration