Affaire Mediapart, retrait des pays africains : La présidente de la Cpi dit tout

  • 26/10/2017
  • Source : Linfodrome
A l’occasion d’une formation organisée à Dakar par le Royaume des Pays-Bas et Trust Africa sur la Cour pénale internationale (Cpi), des journalistes ouest-africains ont pu échanger via une vidéo conférence avec la présidente de la Cour. Lors de cette interview qui s’est déroulée, le jeudi 19 octobre 2017, Silvia Fernandez De Gurmendi s’est prononcée sur le travail de l’institution basée à La Haye.

Que fait la Cour pénale internationale pour améliorer l’efficacité et raccourcir les délais des procédures quand on sait que les victimes sont en attente depuis des années et ont hâte de voir l’aboutissement des procès ?

Nous étions à Paris cette semaine pour discuter de comment accélérer la procédure et comment améliorer l’efficacité de la justice pénale internationale. Ce fut une réunion très importante et même historique qui a réuni pas seulement la Cour pénale internationale mais aussi, le Tribunal spécial pour la Yougoslavie, le Kosovo, le nouveau mécanisme pour la Syrie. En plus des juges, il y avait les présidents d’institutions pénales internationales, et des gens des Nations unies. Effectivement, la question d’accélération des procédures et leur amélioration est une question centrale. Les victimes attendent mais il est aussi très important pour le droit des accusés d‘accélérer les procédures. Les procédures sont lentes aussi bien au niveau national qu’international, lorsque nous devons enquêter sur des types de crime, nous nous retrouvons souvent avec des crimes parfois massifs. Des crimes qui engagent parfois des centaines d’auteurs et des milliers de victimes. Et en plus, la Cpi doit enquêter et poursuivre ces auteurs qui sont souvent très loin de La Haye. Nous avons donc besoin de la coopération des Etats et de la communauté internationale et il faut protéger tout le monde. Tout pour expliquer qu’il est difficile d’aller très vite parce que les droits des accusés sont aussi en cause et il faut leur laisser le temps de préparer leur défense. Mais en même temps, il y a des choses qu’on peut faire pour accélérer les procédures. Accélérer la procédure a été ma priorité en tant que présidente de la Cour. Nous avons déployé, avec mes collègues juges de la Cpi, beaucoup d’efforts pendant trois ans pour trouver des outils d’accélérer (…). Il y a des choses auxquelles on ne peut pas remédier. Mais, il y a des choses que nous pouvons mieux faire et nous sommes en train de le faire.

Quelles sont les mesures prises par la Cour pour empêcher d’éventuels retraits des pays signataires du traité de Rome ?

Nous avons eu l’année dernière trois pays (l’Afrique du Sud, le Burundi et la Gambie) qui avaient effectivement déposé des documents de retrait du traité de Rome auprès du Secrétaire des Nations unies à New York. A ce jour, seul le Burundi demeure dans sa position avec un retrait qui devrait être effectif le 27 octobre 2017, les autres étant revenus sur leur décision de quitter l’institution. Il faut respecter le droit de chaque Etat de ratifier le statut et de le quitter s’il le désire. C’est un droit souverain des Etats et il faut le respecter. Evidemment ce n’est pas bon pour la Cour que des Etats quittent le statut car elle a besoin du soutien de tous les pays du monde. Et la Cour avec les Etats et les Ong mettent tout en œuvre pour attirer plus de participants au statut parce que seulement avec un traité universel, la Cour sera plus efficace. Il faut donc que plus d’Etats rejoignent le statut et que personne ne le quitte. D’abord, nous devons essayer d’améliorer la qualité du travail fait par la Cour dans ses enquêtes et poursuites. Ensuite initier le dialogue avec tout le monde pour mieux faire connaître la Cour et son mode de fonctionnement mais aussi comprendre les besoins des Etats. On le fait de différente façon en initiant des séminaires de formation au niveau régionale, des communications publiques... Je pense que pour éviter les retraits de la Cour, il faut améliorer la communication et améliorer les compréhensions et améliorer le travail de la Cour.

Est-ce qu’il va falloir attendre encore longtemps pour que les victimes demandent des réparations pour des dommages subis ?

Les victimes sont au cœur de notre travail à la Cpi. La Cour est vraiment unique dans la mesure où elle donne la possibilité aux victimes de participer au procès et aussi de demander des réparations. Il y a actuellement 13000 personnes qui participent aux procédures de la Cpi à travers des représentants légaux. Les réparations peuvent être considérées seulement qu’après la fin du procès parce que c’est la personne condamnée qui est le responsable de ces réparations et dans la plupart des cas, nos accusés n’ont pas les moyens de les payer. Il y a des procédures de réparations qui sont en train de se dérouler dans 4 cas et dont il y a eu des personnes condamnées. Les juges ont déjà ordonné dans certains cas des réparations individuelles symboliques et ordonné des plans pour faire des réparations collectives aux victimes. La réparation peut prendre la forme d’une compensation économique ou d’un projet de réhabilitation physique ou psychologique. Il y a aussi dans le système de la Cour, un fonds appelé « Fonds au profit des victimes », un fonds indépendant de la Cour mais lié au système. Ils reçoivent des donations des Etats et des entités privées. Avec cet argent, ils prévoient des projets ou peuvent payer les réparations financières individuelles. Ce fonds joue aussi un rôle d’assistance en organisant des projets pour le bénéfice des victimes en dehors des cas particuliers comme c’est le cas actuellement en Ouganda où ils y sont depuis 10 ans pour la réhabilitation physique et psychologique des victimes...