Affaire Soro: Des sanctions ciblées contre le régime en cas de procès

  • 27/04/2020
  • Source : GPS
L'affaire relative à Guillaume Soro poursuivi pour tentative de déstabilisation de la Côte d’Ivoire, prend une autre tournure. Malgré la décision de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, de suspendre le mandat d’arrêt international émis contre le leader de Générations et peuples solidaires (GPS), Abidjan se prépare à juger Guillaume Soro le mardi 28 avril 2020. Une attitude que dénoncent ci-dessous les avocats du candidat déclaré à la présidentielle d'octobre prochain.

Le Collectif des Avocats a été informé qu’à la requête de Monsieur Adou Richard, procureur de la république d’Abidjan, une audience correctionnelle, présidée par le juge Cissoko Amouroulaye, est prévue le mardi 28 avril 2020 pour juger et condamner, notre mandant, le Président Guillaume Kigbafori Soro.

Ce calendrier ne peut laisser place au doute : il s’agit d’une tentative d’exécution politique, en la forme d’une mascarade judiciaire. Cette procédure, instruite d’abord par le doyen des juges d’instruction, Monsieur Coulibaly Ousmane Victor, puis par le conseiller, désigné par la Cour de Cassation, Monsieur Koné Kalilou, présente une singulière célérité dans son audiencement, alors même qu’une note de service du Ministre de la Justice du 18 mars 2020 commandait le report de l’ensemble des audiences à raison des dangers liés au COVID-19, avant qu’une seconde note du 20 mars 2020 ne revienne sur cette décision.

L’unique objectif de cette audience précipitée vise à rendre inéligible M. Guillaume Kigbafori Soro, candidat à l’élection présidentielle, dans le cadre d’un jugement prévu à être rendu en catimini, à huis clos, en violation de toutes les règles de droit et de procédure, sans qu’il ne soit tenu compte des exigences sanitaires, et au prétexte d’accusations fantasques, calomnieuses, et, du reste, vivement contestées.

Ce faisant, ces magistrats se rendent en outre, complices de violation par l’État de Côte d’Ivoire, de ses engagements internationaux. Faut-il rappeler que la Côte d’Ivoire est membre de l’Union Africaine et signataire du Protocole relatif à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, portant création de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, et par ce fait, l’État Ivoirien reconnaît la compétence de celle-ci et s’est engagé à se conformer aux décisions rendues dans tous les litiges où il est en cause et d’en assurer l’exécution dans le délai fixé, y compris celle rendue le 22 avril 2020.

Aussi, le Collectif des Avocats demande aux magistrats impliqués dans la procédure de respecter la décision rendue le 22 avril 2020 par la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples en reportant cette audience afin de déférer aux prescriptions qui y sont contenues, et somme l’État de Côte d’Ivoire de faire respecter son engagement afin d’éviter que sa responsabilité ne soit engagée.

En effet, la tenue de ce procès aurait pour effet de méconnaître la décision de la Cour d’Arusha, qui a exigé le statu quo ante, c’est-à-dire le gel des procédures pénales en cours et des mesures coercitives (mandat d’arrêt et de dépôt), dans l’attente qu’elle rende sa décision au fond, sur l’inconventionnalité des procédures pénales engagées depuis le 23 décembre 2019 contre le Président Guillaume Kigbafori Soro et ses proches.

En tout état de cause, dans l’hypothèse où l’État de Côte d’Ivoire ne respecterait pas ses engagements internationaux, et notamment au titre de l’article 27(2) du Protocole relatif à la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, comme le laisse sous-entendre les propos tenus par le porte-parole du Gouvernement indiquant que « les procédures internes restent en cours » au mépris de l’indépendance de la justice, le maintien de l’audience du 28 avril, en est non seulement une preuve de la collusion de l’exécutif et du judiciaire mais, également contrevient violemment aux prescriptions de l’ordonnance du 22 avril 2020 et des droits fondamentaux du Président Guillaume Kigbafori Soro, le Collectif entend :

- Saisir, une fois de plus, et autant de fois que nécessaire, la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, selon la procédure d’urgence, pour faire censurer toutes les décisions inconventionnelles qui résulteraient de cette audience, et

- Engager toutes autres procédures internationales, aux fins de voir infliger des sanctions ciblées contre le ou les individus, en ce compris les magistrats, qui auront diligenté, organisé, ou collaborer à la tenue de cette audience.

 

Fait à Paris, le 26 avril 2020

 

Pour le Collectif des Avocats

Affoussy BAMBA

Docteur en Droit

Avocat au Barreau de Paris