Alors que le pays est secoué par le scandale dit de « l’Agrobusiness » depuis fin novembre, deux économistes chrétiens expliquent le mécanisme en place dans ce genre de système et font une lecture chrétienne situation. Que dit l’Église sur les taux d’intérêt excessifs ? Peut-on prospérer en respectant l’éthique chrétienne ?
Qu’est-ce que l’Agrobusiness ?
Depuis janvier, il ne se passe pas une semaine sans que la presse ivoirienne ne titre sur des rebondissements concernant « l’Agrobusiness ». Théoriquement, l’agrobusiness est le financement et la création de richesses par l’agriculture. Dans les faits, le phénomène qui défraye la chronique en Côte d’Ivoire se rapproche plutôt d’une financiarisation. C’est-à-dire que des entreprises empruntent de l’argent à des particuliers, officiellement pour investir dans l’agriculture et leur promettent des retours sur investissements (RSI) entre 300 % et 1 000 % dans des délais réduits.
« Un RSI de 300 % à 1 000 % signifie que vous multipliez votre capital par 3 ou 10, autrement dit. Pour un million investi, vous gagnez 3 millions ou 10 millions supplémentaires. Si on ajoute le capital initial, vous vous retrouvez avec 4 millions à 11 millions », explique le P. François Pazisnewende Kaboré, jésuite et économiste. « Ce n’est pas réalisable, dans les conditions normales de la vie économique. »
Pourtant, près de 37 000 Ivoiriens ont investi dans l’Agrobusiness. Et ils ne décolèrent pas depuis que l’État a demandé le gel des comptes bancaires de 27 de ces structures bien qu’on leur ait promis le remboursement de leur dépôt initial. Depuis, certains dirigeants d’entreprises d’Agrobusiness ont été incarcérés et d’autres se sont réfugiés à l’étranger.
Sous une autre forme, le même phénomène avait secoué le Bénin et la Côte d’Ivoire il y a quelques années. C’était le scandale dit « des maisons de placements ». « La première question qui se pose, c’est l’origine des premiers versements de RSI, distribués aux premiers investisseurs. Est-ce de l’argent blanchi ?, s’interroge Joël Baroan, analyste financier. Ensuite logiquement, dans ce genre de montage, les derniers investisseurs servent à payer les premiers. C’est, en somme, un schéma de Ponzi ou système Madoff, une vaste escroquerie. »
Qu’en dit l’Église ?
« L’Église ne condamne pas l’investissement, vu que la parabole des talents (Matthieu 25, 14-30) symbolise, entre autres choses, l’invitation à faire fructifier les dons reçus de Dieu. Ceci dit, l’Église a toujours condamné l’usure, c’est-à-dire les intérêts à taux excessif », explique le P. Kaboré. L’Église condamne aussi le mensonge. Et le schéma de Ponzi est fondé sur le mensonge : « Ce qui est promis comme RSI ou rémunération ne provient pas de l’activité concernée mais par exemple de souscriptions ultérieures. En outre, le système de Ponzi est une exploitation de l’ignorance, parfois du désir de gain des gens, et parfois un abus de confiance de personnes de bonne foi », poursuit-il....
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