Un colloque se tient actuellement sur l’?uvre d’Ahmadou Kourouma, à l’Université Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan. Inévitablement, la valeur intrinsèque de l’?uvre littéraire de l’éminent écrivain ivoirien est sous les projecteurs, disséquée et passée au crible par des universitaires de haut vol. Mais, ce que des observateurs avertis attendent de ces travaux, c’est de ne pas mettre sous le boisseau la mort de l’auteur de "Les soleils des indépendances".
Car, si tout le monde entier est unanime sur la capacité créatrice du lauréat du Prix Renaudot en 2000, ce n’est pas certain que tous soient sur la même longueur d’ondes quant à la mort psychologique infligée, à l’homme qui a péri loin de sa terre natale, parce que le régime du Front populaire ivoirien, alors au pouvoir, n’était plus en odeur de sainteté avec l’une des "têtes pensantes" de son mentor, Laurent Gbagbo. C’est précisément le 11 décembre 2003 que Kourouma meurt en exil à Lyon en France où il a été contraint à l’exil.
C’est donc contrit et chagriné de voir son pays sombrer dans une crise identitaire où le déni de faciès avait pignon sur rue, que l’écrivain est passé de vie à trépas. En tout cas, une mort psychologique qui a foncièrement rougi les yeux de tous les intellectuels africains et ceux du monde entier. Alors que, pour qui connait le marigot politique ivoirien, Kourouma comptait dans le pré-carré de Laurent Gbagbo au titre des têtes pensantes de ce dernier du temps de son exil en France et même après son accession à la magistrature suprême, « de façon calamiteuse » en 2000, selon les propos du "Woudy de Mama".
Car, Kourouma dans ses ?uvres "Monné, outrages et défis"; "En attendant le vote des bêtes sauvages" ; "Allah n'est pas obligé", fait une critique acerbe des dictateurs africains. A ce titre, l’écrivain engagé sera pressenti pour présider le Forum de réconciliation nationale prévu en 2001. Mais, réprouvant la manière selon laquelle "le Woudy de Mama" a dévoyé le socialisme pour virer sur le terrain de la xénophobie, Kourouma s'est désisté. A partir de cet instant, Laurent Gbagbo sera en rupture de ban avec l’enfant de Boundiali (Nord de la Côte d’Ivoire). Les universitaires, en rendant hommage à l’écrivain, par le truchement de ce colloque, devraient dénoncer la mort psychologique infligée à l’éminent citoyen qu’il est pour ses pensées.
JAD
Ahmadou Kourouma: Un écrivain total et un homme de conviction - Photo à titre d'illustration