L’Union africaine (UA) et la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) ont reconnu la réélection d’Alassane Ouattara à un troisième mandat controversé à la tête du pays, où la situation politique et sécuritaire reste tendue.
Le président Alassane Ouattara a reçu, mardi 10 novembre, le renfort public de ses pairs africains qui ont reconnu sa réélection à un troisième mandat controversé à la tête de la Côte d’Ivoire.
Dans des communiqués, l’Union africaine (UA) et la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) ont félicité le chef de l’Etat ivoirien, après la validation définitive lundi par le Conseil constitutionnel de la victoire de M. Ouattara au premier tour du scrutin présidentiel du 31 octobre avec 94,27 % des voix, pour un troisième mandat que l’opposition juge inconstitutionnel. La présidence ivoirienne a aussi reçu, par courrier, des messages du Maroc, du Sénégal, du Togo et du Ghana, selon une source proche de la présidence.
L’opposition ivoirienne a boycotté l’élection et refuse de reconnaître sa validité. Les troubles liés à l’élection ont fait une cinquantaine de morts depuis trois mois, dont une dizaine lundi, alors que l’opposition avait appelé à une journée de mobilisation.
La situation restait tendue mardi, avec, notamment, des affrontements intercommunautaires à M’Batto, à 200 km d’Abidjan. Au moins deux personnes y sont mortes lundi et mardi, selon des sources sécuritaires, alors que de nombreux habitants de la région parlent d’un bilan plus lourd lors de ces heurts entre des Agni, ethnie locale réputée pro-opposition, et des Dioula originaires du Nord, réputés pro-Ouattara. Des forces de sécurité ont été envoyées dans ce village.
Le président Ouattara invite son opposant à une « rencontre »
Alors que le pouvoir et l’opposition ivoiriens sont à couteaux tirés, l’UA « invite tous les acteurs politiques à privilégier le dialogue pour préserver la cohésion sociale et la paix », et la Cédéao « exhorte » le président Ouattara à « tout mettre en œuvre en faveur du rassemblement des Ivoiriens ». Les deux institutions panafricaines soulignent que le dialogue doit se faire dans le « respect des institutions » (UA) et des « voies du droit » (Cédéao), alors que l’opposition a annoncé la mise en place d’un régime de « transition » au lendemain du scrutin.
Lundi soir, lors d’une adresse télévisée à la nation, le président Ouattara a invité son principal opposant, l’ex-président Henri Konan Bédié, à « une rencontre dans les tout prochains jours pour un dialogue franc et sincère en vue de rétablir la confiance ».
Un signe d’apaisement après avoir usé de la manière forte face à l’opposition : à l’exception de M. Bédié, tous ses leadeurs font l’objet de poursuites judiciaires et ont été emprisonnés, ou sont bloqués chez eux par les forces de l’ordre, à la suite de la création d’un « Conseil national de transition » (CNT).
« Même un bébé de 2 ans ne fait plus confiance à Ouattara »
Ni M. Bédié ni son Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) n’ont encore réagi officiellement à l’offre du président Ouattara. Mais N’Goran Djiedri, directeur général de l’administration du PDCI et dirigeant d’un de ses courants – Notre Héritage –, a posé des conditions. « Oui au dialogue, mais avec la plate-forme de l’opposition et avec un médiateur de l’ONU », a-t-il déclaré à l’Agence France-Presse (AFP). « Même un bébé de 2 ans ne fait plus confiance à Alassane Ouattara », a-t-il ajouté.
« L’ex-président de la Côte d’Ivoire [Alassane Ouattara] appelle l’opposition ivoirienne au dialogue avec la même intention que le loup affamé appellerait l’agneau au dialogue », a réagi, de son côté, Guillaume Soro, l’ex-chef de la rébellion et ancien premier ministre, devenu opposant farouche au régime et en exil à l’étranger, s’exprimant sur Twitter.
Par la voix de son ministre des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, la France a estimé que l’offre de dialogue de M. Ouattara allait « dans le bon sens », mais souhaité que « des actes contribuent à l’apaisement ».
Plus de 8 000 personnes ont fui la Côte d’Ivoire vers les pays voisins, principalement le Liberia, en raison des violences liées à l’élection présidentielle qui ont fait une cinquantaine de morts, a rapporté mardi l’Agence des Nations unies pour les réfugiés (HCR). La crainte d’une escalade des violences reste présente dans ce pays d’Afrique de l’Ouest, dix ans après la crise post-électorale de 2010-2011 qui avait fait 3 000 morts, ainsi que 300 000 réfugiés et un million de déplacés internes en Côte d’Ivoire, selon le HCR.
Le président ivoirien, Alassane Ouattara, à Abidjan, le 31 octobre 2020. Macline Hien / REUTERS