En Algérie, l’armée a demandé, mardi 26 mars, l’application de l’article 102 de la Constitution, un article qui transmet les rênes du pays au président du Sénat lorsque le Parlement constate que le président est dans l’impossibilité de gouverner en raison d’une maladie grave. L'appel vient du chef d'état-major alors que les Algériens sont mobilisés contre le système politique depuis plus d'un mois.
Cinq vendredis de mobilisation, des centaines de milliers de personnes dans les rues de la capitale, des manifestations du nord au sud et d’est en ouest, sans incident majeur. La pression de la rue était devenue importante pour les autorités.
Et cette pression faisait flancher les soutiens habituels du président Abdelaziz Bouteflika. Des chefs d’entreprises aux membres du FLN,le premier parti du pays, des voix s’élevaient pour demander d’écouter les demandes populaires. Des demandes qui ont aussi évolué, au fil des semaines, passant du refus du cinquième mandat du président à un rejet de tout le système politique.
Dans ce contexte, l’appel du chef d’état-major à appliquer l’article 102 de la Constitution et à déclarer le président inapte est une manière d’aboutir au départ d’Abdelaziz Bouteflika et de répondre à certaines revendications. Et, du point de vue du chef d’état-major, c’est cette solution qui permettra d’obtenir un consensus entre la société, les cercles au pouvoir et l’armée, qui affirme qu’elle est garante de la souveraineté nationale.
Une manière pour les autorités de garder la main
L’article 102 de la Constitution prévoit l’organisation d’élections dans un délai maximum de quatre mois et demi après que le Parlement a constaté l’état d’empêchement du président de la République. Le chef d’état-major le dit lui-même, il veut assurer la stabilité du pays et le maintien de la souveraineté de l’Etat.
Mais cette stabilité, c’est aussi l’assurance que la transition soit assurée par ceux qui gouvernent le pays aujourd’hui. Organiser des élections en 4 mois donnera peu de temps à ceux qui manifestent chaque vendredi pour s’organiser et trouver des représentants. Face à eux, il y aura les hommes chargés de mener à bien cette période de vacance et d’organiser les élections ; le président du Conseil constitutionnel et du Conseil de la Nation sont des proches d’Abdelaziz Bouteflika.
Les partis d’opposition affirment eux que ces élections n’auraient aucune garantie de transparence. C’est ce qui pousse la presse à parler de « sacrifice du soldat Bouteflika » pour « maintenir le système ».
■ Qui est le général Ahmed Gaïd Salah ?
Ahmed Gaïd Salah avait donné sa parole et promis d’accompagner Abdelaziz Bouteflika jusqu’au bout. Hier, c’est en maître du jeu qu’il a finalement écrit le scénario de fin. Et décidé ainsi de l’avenir de celui qui l’avait fait roi en le nommant chef d’état-major.
C’était en 2004, une époque où il était en disgrâce. Son prédécesseur le général Lamari avait demandé sa mise à la retraite anticipée.
Abdelaziz Bouteflika fera son choix quelques mois plus tard et renversera le rapport de force. Ahmed Gaïd Salah lui en sera toute sa vie reconnaissant.
Formé dans une école d’artillerie à Moscou il dirigera plusieurs régions militaires pendant la décennie noire avant d’être nommé commandant des forces terrestres en 1994.
Réputé pour ses colères, et pour les règles strictes qu’il impose au sein de la grande muette, il l’est aussi pour sa toute-puissance et sa loyauté envers le président dont il deviendra la voix et le visage depuis son accident vasculaire cérébral.
Fervent défenseur du quatrième mandat pourtant impensable aux yeux de nombreux Algériens, il s’engagera aussi pour la cinquième candidature. Un engagement qui se fera de plus en plus ténu au fil des manifestations dont il finira par louer le civisme et le patriotisme. Jusqu’à sa déclaration hier soir.
Le général Ahmed Gaïd Salah, le 26 novembre 2007 (image d'illustration). © AFP PHOTO/ SERGEI SUPINSKY