Alphonse Douaty : « Aller aux élections dans les conditions actuelles signifie : légitimer Ouattara et enfoncer le Président Gbagbo. »

  • 12/07/2014
  • Source : LG Infos
L’interview d’Alphonse Douaty (Vice-président chargé des Grands Projets) qui révèle la profondeur de la crise

 Vous venez d’être nommé vice président chargé des Grands projets…
 
Je vous dirai que j’ai appris ma nomination sur les réseaux sociaux et dans la presse, sans que la procédure de validation ait été observée. Je ne sais rien du contenu. Cependant, ni ma nomination, ni le contenu ne sont pas importants, au regard de l’environnement national actuel.

Qu’est-ce qui est plus important ?
 
En tant que militant du Fpi, le plus important pour moi et pour le parti, demeure la cohésion du parti pour la libération du Président Laurent Gbagbo. Lorsque je m’interroge sur l’opportunité et l’efficacité de ce réaménagement, je ne trouve pas de réponse au regard de l’objectif majeur qui est la libération du Président Gbagbo.
En ce qui concerne la libération du Président Laurent Gbagbo, le Fpi vient de créer un secrétariat national…
Je suis étonné que le changement n’a pas permis de pourvoir à la nomination de la personne chargée de ce poste. Une chose est de créer un poste. Une autre chose est de pourvoir ce poste. On ne peut pas faire une annonce aussi importante et la mettre aux calendes grecques. Qu’est-ce qui peut motiver cela.

Qu’est-ce qui peut l’expliquer ?
 
La question ne s’adresse pas à moi. Je m’en inquiète. Car la question de la libération du Président Laurent Gbagbo est très importante. C’est un fait majeur qu’on ne doit pas banaliser. La question de sa libération doit être l’unique conducteur des actions du Fpi.

Certains de vos camarades soutiennent que la libération du Président Laurent Gbagbo n’est pas une priorité… 
 
Sa libération est la priorité des priorités. Aucun militant au Fpi ne peut penser et ne doit penser comme vous le dites. Ceux qui réfléchissent ainsi, font fausse route.

Car c’est nous qui avons demandé à Yamoussoukro, au Président Gbagbo d’être notre candidat à l’élection présidentielle, d’être le candidat du Fpi. Tout ce qui lui arrive aujourd’hui est lié à la mission que nous lui avons confiée. Comment pouvons-nous envoyer notre camarade en mission et pendant qu’il connait des problèmes dans l’accomplissement de cette mission, nous considérons que ce problème n’est pas notre priorité. Je trouve cela aberrant !

Certains de vos camarades soutiennent qu’il faut tourner la page Laurent Gbagbo… 
 
Penser un seul instant, pouvoir tourner la page de Laurent Gbagbo s’apparente à un crime politique. La page Laurent Gbagbo est intournable. Je refuse de croire qu’il y’a des militants qui un seul instant, puisse penser ainsi ! Je refuse de croire qu’il y’a des personnes au Fpi qui ont pour objectif de tourner la page Laurent Gbagbo.

Le Fpi se compare à l’Anc. Cette formation politique s’est battue pour la libération de Mandela…
 
Oui nous nous comparons à l’Anc. Car aujourd’hui, nous vivons une situation qu’hier a été vécue par l’Anc. L’Anc a refusé toutes les compromissions pour mener le combat pour la libération de Mandela pendant 27 ans. Le Fpi est condamné à en faire autant. C’est pourquoi les actions prioritaires doivent être centrées sur la libération du Président Laurent Gbagbo.

Le Fpi doit être le moteur d’un grand rassemblement d’hommes, de femmes, d’organisations, porteurs de grandes idées en vue de la libération de notre unique chef. De manière concrète, des actions doivent être développées au plan interne à travers des journées de solidarité en vers le Président Laurent Gbagbo. De telles journées peuvent nous rassembler à Mama. Des colloques scientifiques sur la vie et le parcours politique de l’homme pour compléter les actions démocratiques de masse (setting, marches…).

En international, un plan de lobbying doit être mis en œuvre. Tout ceci, devrait se faire sur la base d’une cohésion interne du parti dans le respect des procédures acceptées et l’esprit de camaraderie. Au cours de ces manifestations, nous démontrerons comment la libération du Président Laurent Gbagbo est la condition sine qua none pour aller à la réconciliation nationale en Côte d’Ivoire.

Lors d’un meeting à Yopougon, vous avez dit que le Président Gbagbo pouvait revenir plutôt que prévu…
 
Oui je l’ai dit et je le redis, le Président Laurent Gbagbo reviendra plutôt que prévu. Parce que le dossier est vide. S’il doit avoir un procès, ce ne sera pas celui du Président Laurent Gbagbo. Mais ce sera le procès de ce qui s’est passé en Côte d’Ivoire depuis 2002 ; ce sera le procès de ceux qui l’ont envoyé à La Haye. Car nous ivoiriens, nous savons ce qui s’est passé dans notre pays.

C’est tout un système qui s’est mis en place contre le Président Laurent Gbagbo. Et ce procès sera avant tout, le procès de ce système. Or ce système n’est pas prêt à se mettre à nu, à se dénigrer. Les éléments sont en train de se mettre en place. C’est un mensonge politique, c’est de la manipulation politique. Or devant le droit, le mensonge et la manipulation politiques ne peuvent pas prospérer.

Il y a un autre débat qui alimente l’actualité politique, c’est l’entrée du Fpi au gouvernement…
 
Cette entrée au gouvernement n’est pas à l’ordre du jour dans les instances du parti. Comment pouvons-nous entrer dans un gouvernement qui a pour otage Simone Gbagbo ? Comment pouvons-nous entrer dans un gouvernement qui prive à plus de 500 Ivoiriens de la liberté ? Comment entrer dans un gouvernement qui a poussé des milliers d’ivoiriens à l’exil ? L’histoire a montré que l’entrisme a toujours emporté les convictions et dévoyé l’essentiel d’un combat.

On soutient que l’entrée du Fpi au gouvernement pourrait booster le processus de réconciliation en Côte d’Ivoire…
 
C’est la libération du Président Laurent Gbagbo qui peut donner un coup d’accélérateur du processus de réconciliation nationale. Et non l’entrée du Fpi dans un gouvernement dont on ignore les contours. Je pense qu’il faut que le Président Laurent Gbagbo soit présent pour que la réconciliation soit possible.

Vous n’avez pas peur qu’on vous considère comme un faucon du Fpi ? 
 
S’il s’agit du Président Laurent Gbagbo, je ne fais pas de compromis. Parce qu’il a un parcours exemplaire, un parcours politique fait de courage. Il a des idées et des propositions qui sont conformes à la vie des ivoiriens.

Affi N’Guessan souhaite que le Président français joue un rôle dans le processus de réconciliation nationale…
 
La réconciliation en Côte d’Ivoire est avant tout l’affaire des Ivoiriens. Et cette réconciliation ne peut faire qu’avec la présence de tous les fils et filles de ce pays. Le Président Laurent Gbagbo étant fils de ce pays en qui l’écrasante majorité des ivoiriens se reconnaissent, sa présence est indispensable dans le processus de réconciliation nationale en Côte d’Ivoire.

Ce n’est pas au Président français de réconcilier les Ivoiriens. Le rôle qu’il peut jouer à mon sens, est d’amener son homologue ivoirien à œuvrer à la normalisation de la vie politique en Côte d’Ivoire par la libération de Simone Gbagbo et de tous les prisonniers détenus dans les prisons légales et dans les lieux tenus secrets et le retour apaisé et sécurisé des exilés.

La restitution des propriétés, de biens et avoirs confisqués doit également s’inscrire dans ce registre. Tous ces éléments, ajoutés au retour du Président Laurent Gbagbo constituent les conditions de la vraie réconciliation.

Il paraît qu’il met la pression sur le Fpi pour qu’il entre dans le gouvernement…
 
Je n’ai pas cette information !

Qu’attendez-vous de lui pour la libération du Président Laurent Gbagbo ?
 
Le Président Laurent Gbagbo est à La Haye sur la base d’une accusation. Et cette accusation va être débattue s’il y a un procès. Je n’attends rien de lui sur cette question. Ce n’est pas lui qui va libérer le Président Gbagbo. Nous devons nous battre pour obtenir sa libération. Tout ce que nous demandons à la France, c’est de ne pas bloquer cette libération.

Est-ce que le Fpi ira aux élections ?
 
Aller aux élections dans les conditions actuelles signifie : légitimer Ouattara et enfoncer le Président Gbagbo

Beaucoup de militants ont été surpris du remplacement de Laurent Akoun au poste de secrétaire général du Fpi…
 
Tout comme ces militants, je suis surpris par le remplacement de Laurent Akoun et par le réaménagement de tout le secrétariat général. Mais au delà de la surprise et de l’étonnement, j’en suis à me demander sur sa pertinence et sur son opportunité. Je suis choqué et je ne m’explique pas l’humiliation politique infligé à Simone Gbagbo qui demeure un grand symbole du parti.

J’en suis à m’interroger sur la nécessité d’humilier madame Amon Ago Marthe, l’ex première vice présidente de l’Assemblée nationale, élue dans cette instance selon les mêmes critères que celui du Président de la République et de surcroit, mise en mission par le Fpi auprès de Bernard Dadié, président du Cnrd. Je m’interroge sur le gain que le parti engrange en humiliant l’ex-député de Port-Bouet Mme Bamba Massani, Maitre Kouassi André refugié politique avant Laurent Gbagbo.

Toutes ces personnes ont été rétrogradées, soit en vidant leurs postes de leurs contenu, soit en les passant d’échelle supérieure à l’échelle inferieure (Sga-Sn). Je ne trouve pas de mots pour expliquer la mise à l’écart des camarades qui ont donné le meilleur d’eux-mêmes dans l’équipe intérimaire et qui continuent d’en faire autant actuellement.

Le disant, je pense à Sery Gouagnon qui a fortement contribué à la libération des camarades que nous sommes aujourd’hui, dont le président du parti. Je citerai Zagol Claude qui est le coordonateur technique de la réactualisation du programme de gouvernement du Fpi. Je m’interroge de la même manière pour Akoi Innocent ex-président du Conseiller général de grand Bassam et pour prés d’une dizaine d’autre camarade, tous mis à l’écart.

Je suis d’autant plus choqué que ce réaménagement porte atteinte à l’esprit de camaraderie et de cohésion indispensable à tout parti politique. Le choc s’approfondit quand on sait que le Fpi a besoin de toutes ses forces pour mener l’unique bataille qui veuille la peine d’être menée la libération de Laurent Gbagbo.
 
Ce réaménagement me fait penser à une opération d’humiliation politique publique et de règlement de compte. Je ne peux admettre que les agissements de cette nature mettent en péril notre instrument commun de lutte démocratique qui est le Front populaire ivoirien.