Et de quatre ? Après trois mandats, soit douze ans à la tête de l’Allemagne, Angela Merkel a toutes les chances de sortir gagnante du scrutin de ce dimanche et d’être reconduite jusqu’en 2021 à la tête de son pays. La chancelière pourrait partager alors avec son père en politique, Helmut Kohl, le record de longévité politique à la tête de l’Allemagne soit seize ans.
Une présence aussi longue au pouvoir est, dans l’époque particulièrement instable que nous connaissons, hors du commun. Avec Emmanuel Macron, la chancelière allemande Angela Merkel travaille depuis le printemps, par exemple, avec le quatrième président français après Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et François Hollande.
Cette longévité s’explique pour plusieurs raisons. D’abord la bonne santé de l’économie. Interrogés, les Allemands sont très largement optimistes pour leur pays mais aussi pour leur situation personnelle. Le chômage est au plus bas et a baissé de moitié depuis l’arrivée d’Angela Merkel au pouvoir il y a douze ans. La chancelière a mené une politique économique et sociale plus à gauche que la ligne traditionnelle de son parti et « subtilisé » régulièrement des thèmes à ses adversaires, qu’il s’agisse de l’abandon du nucléaire ou du développement des crèches pour les enfants, et bien sûr l’accueil de nombreux réfugiés pour citer l’événement phare des quatre dernières années.
Et quand les impulsions venaient des sociaux-démocrates comme durant la grande coalition qui a dirigé l’Allemagne ces quatre dernières années, c’est Angela Merkel et son parti qui ont d’abord profité de ces avancées. L’introduction d’un salaire minimum ou des améliorations pour les retraites constituent des exemples de la législature qui s’achève. Ce cours plus à gauche de la CDU explique sans doute pour partie les difficultés du SPD depuis le début de l’ère Merkel à sortir des tréfonds où il se trouve toujours.
Le style Merkel, reflet de l'Allemagne et des Allemands
Il y a aussi le style Merkel qui séduit les Allemands au-delà des frontières partisanes et qui explique la popularité de la chancelière. Un style simple, sobre, sans-allure, modeste qui constitue quelque part un reflet de la façon dont beaucoup d’Allemands se perçoivent. Le style présidentiel d’Angela Merkel évitant les polémiques mais aussi les prises de position claires la place d’une certaine façon au-dessus des partis.
Enfin, si beaucoup d’Allemands sont satisfaits, ils perçoivent le monde autour d’eux comme étant souvent aux antipodes de leur situation domestique. Les tensions dans les relations internationales, les nombreuses crises dans le monde, la présence au pouvoir de leaders comme Poutine, Erdogan ou Trump constituent autant d’inquiétudes. Angela Merkel apparaît pour beaucoup comme un synonyme de stabilité et l’expérience de la chancelière sur la scène internationale la sert auprès d’électeurs qui préfèrent la sécurité et la continuité.
Merkel chahutée dans l'est du pays
Mais tous les Allemands ne sont pas satisfaits. On le voit lors des meetings électoraux d’Angela Merkel, surtout dans la partie Est du pays, où des contre-manifestants bruyants perturbent ces rencontres, exprimant leur rejet et souvent leur haine de la chancelière. La société allemande d’aujourd’hui est plus polarisée et marquée par des tensions que dans le passé. L’Alternative pour l’Allemagne, ce nouveau parti d’extrême droite qui devrait faire son entrée au parlement dimanche soir, focalise sa campagne sur le rejet d’Angela Merkel coupable pour le mouvement d’avoir accueilli de nombreux réfugiés, synonymes pour l’AfD d’une islamisation du pays et d’une remise en cause de l’identité allemande.
La percée à craindre de ce parti, comme le rejet plus global par une minorité non négligeable du système politique et de ses représentants traditionnels, est aussi le produit de l’ère Merkel où les différences entre les deux grands partis, chrétiens et sociaux-démocrates, ont fondu au soleil laissant le champ libre à des forces protestataires et plus radicales.
Cette évolution pourrait se traduire dans les urnes dimanche soir par un résultat amer pour les partis traditionnels. Les chrétiens-démocrates d’Angela Merkel sont assurés de rester la première force du pays, tant l’écart qui les sépare du SPD de Martin Schulz reste important. Mais le résultat de la CDU pourrait comme en 2009, au terme de la dernière grande coalition, être un des plus mauvais du parti.
Quelle coalition pour l'Allemagne?
La grande inconnue de l’après-scrutin reste la future coalition qui gouvernera l’Allemagne. Deux options réalistes sont envisageables. D’abord un remake de la grande coalition. Même affaiblie, elle disposerait d’une majorité confortable au parlement. Elle pourrait d’autant plus s’imposer si l’extrême droite faisait une percée causant un traumatisme en Allemagne. Une option synonyme de stabilité mais qui associerait deux partis affaiblis face à une opposition revigorée. Hormis l’AfD qui fera son entrée au Bundestag, les libéraux du FDP y feront leur retour, le parti de gauche Die Linke pourrait aussi profiter de l’insatisfaction d’une minorité d’Allemands.
Parmi ces derniers, on trouve aussi ces actifs au statut précaire et qui ont du mal à boucler les fins de mois. A l’international, une nouvelle grande coalition serait également synonyme de stabilité. Paris serait certainement soulagé de ne pas voir les libéraux entrer au gouvernement. Leurs positions sceptiques quant aux propositions d’Emmanuel Macron sur une réforme de la zone euro réduiraient les chances de réussite du président français.
L’autre option envisageable au terme du scrutin est celle d’une coalition dite « jamaïcaine » en raison des couleurs des trois partis qui y participeraient et qui rappellent le drapeau de l’île des Caraïbes : le noir pour les chrétiens-démocrates, le jaune pour les libéraux et le vert pour les écologistes. Une coalition inédite au niveau national qui permettrait à l’Allemagne de sortir du carcan de la grande coalition nuisible sur la durée à la vie démocratique et l’alternance. Mais une alliance de trois partis serait une première au niveau national, et peut s’avérer plus compliquée à gérer si les partenaires se chamaillent. Une nouvelle grande coalition paraît de ce fait l’option la plus probable.
Dernier meeting de campagne pour Angela Merkel, à Munich, le 22 septembre 2017. REUTERS/Lukas Barth