Ces trois dernières années, des manifestations spontanées de colère ont agité plusieurs villes ivoiriennes. Si les raisons de la colère sont chaque fois différentes, ce sont souvent les symboles de l'État qui sont attaqués. Un remède existe face à cette défiance, née de la frustration sociale : sanctionner les mauvais gestionnaires de projets publics.
Tribune. Les images de l’émeute ont fait le tour des réseaux sociaux. L’une d’entre elle, devenue virale, est le symbole achevé de l’autorité bafouée : c’est celle du chapeau d’un gendarme ayant fui la vindicte de la foule. Il est accroché aux restes d’un arbre calciné et moqué par les passants. La scène se déroule à M’Bahiakro, le 6 mars dernier. Deux jours plus tôt, une jeune fille a été assassinée dans cette localité située non loin de Bouaké, dans le centre de la Côte d’Ivoire – un crime rituel, qui aurait été commandité par le père de la victime et qui a été à l’origine de violents affrontements entre manifestants et forces de l’ordre.
Ces trois dernières années, plusieurs villes ivoiriennes ont été secouées par des manifestations spontanées de colère, y compris dans des fiefs traditionnels du Rassemblement des républicains (RDR), le parti présidentiel. Bouaké, mais aussi Bloléquin (Ouest), Korhogo (Nord) ou Soubré (Sud-Ouest)…
Frustration populaire
Les causes sont souvent différentes (coût de l’électricité à Bouaké, incendie d’un marché public à Soubré), mais à chaque fois, ce sont les représentations de l’État qui sont attaquées. Émeutiers et manifestants s’en prennent à des bâtiments administratifs qui incarnent, à leurs yeux, la corruption, l’impunité et l’injustice.
Le malaise est profond, le président Alassane Ouattara l’admet : « Les comportements inciviques de ces derniers mois nous interpellent tous. Ils sont contraires à l’idéal de société que nous voulons bâtir ». Mais il ne faut pas s’y méprendre. La colère s’enracine dans la pauvreté et les inégalités.
"En 2010, Alassane Ouattara a suscité d’énormes attentes, trop sans doute
Dans son dernier rapport, la Banque mondiale a reconnu que « depuis la sortie de crise en 2012, la performance de l’économie ivoirienne a été remarquable avec un taux de croissance par habitant supérieur à 5 % par an ». Mais aussi que « malgré cette embellie, le niveau actuel du revenu par habitant reste aujourd’hui inférieur à celui du début des années 1980 ».
Selon l’institution financière, « l’examen des facteurs de croissance économique […] montre que si le taux d’emploi a fortement augmenté, les revenus n’ont pas suivi la même évolution positive ». Traduction simple : travailler plus ne veut pas dire gagner plus. Une situation qui crée nécessairement des frustrations, lesquelles explosent à la moindre étincelle.
Image utilisée à titre d'illustration