Dix-sept ans après avoir torturé Samuel Doe à mort, Prince Johnson affirme ne nourrir aucun remords. Et s’est même offert le luxe de jouer les faiseurs de rois lors de la dernière présidentielle.
Ce 23 décembre 2017, une clameur s’élève du grand stade de Monrovia. À trois jours du second tour de la présidentielle, les partisans de George Weah exultent : la victoire est à portée de main. C’est le dernier meeting de campagne, mais, exceptionnellement, ce n’est pas le footballeur chéri du pays qui est ovationné.
Tempes grises, petites lunettes, la star du jour s’appelle Prince Johnson, arrivé quatrième au premier tour. Son ralliement a été décisif. « Prince ! Prince ! » hurle la foule. Ironie de l’histoire : l’enceinte porte le nom de son pire ennemi, Samuel Kanyon Doe.
L’assassinat de Samuel Kanyon Doe
L’allusion le fait sourire. À 65 ans, Prince Johnson est aujourd’hui un pasteur évangélique. Veste en pagne noir et jaune, chapeau de paille assorti, il reçoit dans ses habits d’homme respectable. « Mon soutien a été très important pour Weah. Nous, les gens de Nimba [comté du nord du pays, où il règne depuis 2005], sommes très nombreux. Il est impossible de gagner sans notre appui. Nous sommes les faiseurs de rois. »
Seraient-ce ses rides ou son titre de sénateur qui lui donnent cet air de notable ? Depuis son bureau de Monrovia, on aperçoit la présidence, quelques mètres plus bas. « Je suis le plus vieil élu du Capitole et je serai là jusqu’à ma retraite. Vous savez, les Libériens m’aiment, ils m’aiment tant… »
"Pendant des jours, dans une brouette, ces combattants aux visages juvéniles ont promené le cadavre de Doe dans la ville
« Prince ! Prince ! » Les cris de ses partisans en rappellent d’autres, scandés dans ces mêmes rues du centre de la capitale : « Nous avons capturé Doe ! » hurlaient des soudards, le 9 septembre 1990, en exhibant le corps nu, sans vie et sans oreilles de Samuel Doe. Pendant des jours, dans une brouette, ces combattants aux visages juvéniles ont promené le cadavre dans la ville, brandissant leur trophée : ils avaient tué le président.
Le soldat Johnson fait toujours peur
Un crime filmé dont le personnage principal était Johnson lui-même, et contre lequel l’Ecomog, la force ouest-africaine chargée de s’interposer entre les hommes de Doe, cernés dans la capitale, et les rebelles, n’a rien pu faire...
Prince Johnson, ex-chef rebelle au Liberia, aujourd'hui sénateur. © AP/Sipa/George Osodi