Le décès d’Afonso Dhlakama rend très incertain le processus de paix engagé avec le gouvernement.
En brousse, du début à la fin. Afonso Dhlakama, chef historique de la rébellion de la Renamo (Résistance nationale mozambicaine), est mort jeudi 3 mai, à 65 ans. Guérillero sanguinaire, puis artisan de la transition démocratique au Mozambique, puis de nouveau guérillero presque malgré lui, le vieux général a succombé à une crise cardiaque après avoirpassé sa vie à fomenter et à déjouer des attaques.
Sa mort plonge tout un pays dans la tourmente. Ces derniers mois, il pilotait des négociations de paix plus qu’essentielles pour l’avenir du Mozambique. Vingt-six ans après la fin d’une sanglante guerre civile, des questions non résolues continuent de hanter ce pays d’Afrique australe.
Une nouvelle période d’incertitude s’ouvre pour les Mozambicains. Ils en ont certes l’habitude, sauf que cette fois, ils devront faire sans une icône qui les a accompagnés depuis près de quarante ans.
A la tête de la Renamo à 26 ans
Fils d’un chef traditionnel du centre du Mozambique, Afonso Marceta Macacho Dhlakama est né un 1er janvier, en 1953, à une époque où les officiers d’Etat civil de l’administration coloniale portugaise choisissaient les dates de naissance comme bon leur semblait.
A l’indépendance, en 1975, échaudé par l’alignement du nouvel Etat sur Moscou, il participe à la création de la Renamo, un rassemblement de groupuscules alliant des anticommunistes, des nostalgiques de la colonisation et des mercenaires ; le tout en pleine guerre froide. Soutenue, armée et financée par le régime blanc de Rhodésie du Sud (aujourd’hui le Zimbabwe) puis par celui de l’apartheid en Afrique du Sud – tous deux effrayés qu’un gouvernement noir soit au pouvoir à leurs frontières –, elle se lance dans une guerre de déstabilisation.
En 1979, le fondateur de la Renamo, André Matsangaisse, est assassiné par le Front de libération du Mozambique (Frelimo), un mouvement d’orientation communiste. Au terme d’une féroce lutte de succession, Dhlakama prend les rênes de la guérilla ; il a 26 ans. Sous son commandement, la Renamo s’étend sur tout le territoire national et contribue de manière méticuleuse à la destruction des infrastructures et des structures sociales.
« Père de la démocratie »
Vers la fin des années 1980, le conflit se durcit. Enfants soldats, tortures, mutilations ; les pires atrocités sont rapportées. La chute de l’apartheid et la fin de la guerre froide poussent Frelimo et Renamo à négocier. A Rome, sous l’égide de la communauté Sant’ Egidio, les pourparlers durent des mois. En 1992, les accords de paix sont finalement signés. Afonso Dhlakama, un brin mégalomane, qui parle souvent de lui à la troisième personne, s’autoproclame alors « père de la démocratie ».
Et ça marche : oubliées les violations des droits humains, la Renamo devient le principal parti d’opposition et conserve sa place centrale sur l’échiquier politique. L’ancien chef rebelle est candidat à chacune des élections présidentielles, sans succès. Celle de 1999 se joue à un cheveu ; Dhlakama s’incline toutefois avec 47 % des voix. De l’avis des observateurs de l’époque, il aurait dû gagner, n’était l’invalidation massive de bulletins dans les bastions de l’opposition...
Le chef historique de la Renamo, Afonso Dhlakama, à Maputo, en octobre 2014. Crédits : GIANLUIGI GUERCIA / AFP