Le jeune réalisateur Ryan Coogler parvient à mêler fantaisie et réflexion politique dans une production Marvel.
Il n’est pas besoin d’apprécier l’univers Marvel, cet entrelacs de personnages et de marques déposées, pour aimer Black Panther. Né en 1967 (quelques semaines avant la fondation du mouvement des Black Panthers) de l’imagination de deux auteurs de comics blancs, Stan Lee et Jack Kirby, ce super-héros africain apparaît, dans le beau film de Ryan Coogler, comme un être de légende et de tragédie, plutôt que comme un produit de confection. Ce qui ne veut pas dire que les millions d’amateurs d’Avengers ou de Spider-Man se sentiront floués. Avec Creed, deuxième long-métrage du jeune metteur en scène (il est né en 1986), Ryan Coogler s’était approprié la légende de Rocky Balboa sans la dénaturer. Cette fois, il respecte les rites inhérents au culte du super-héros tout en les propulsant dans une autre dimension, poétique et politique.
Aux yeux du monde, le Wakanda, contrée d’Afrique équatoriale, est un petit pays enclavé, sans ressources. Pour ses habitants, c’est le summum du développement. Les Wakandais vivent sur un gigantesque gisement de vibranium, métal aux propriétés merveilleuses qui leur a permis de développer une technologie dépassant de loin celles des pays les plus développés. Depuis des temps immémoriaux, le roi du Wakanda reçoit, en même temps qu’il monte sur le trône, des pouvoirs surhumains qui font de lui, quand le besoin s’en fait sentir, un guerrier quasiment invincible, Black Panther. T’Challa (Chadwick Boseman, qui fut récemment à l’écran un autre super-héros, James Brown) vient de succéder à son père assassiné par un terroriste international, épisode relaté dans Captain America : Civil War.
Le jeune roi affrontera plus d’épreuves qu’Hamlet et Winston Churchill réunis. Surgi du ghetto d’Oakland, un cousin de T’Challa veut le renverser. Ce personnage, incarné par l’acteur d’élection de Ryan Coogler, Michael B. Jordan, est un méchant ordinaire et l’expression de la violence afro-américaine. Michael B. Jordan oppose sa fluidité, son ironie à la gravité de Chadwick Boseman, et Ryan Coogler traite leur affrontement avec un souci de la nuance qu’on avait rarement rencontré dans les productions Marvel.
Ce souci d’humaniser une imagerie qui relève ailleurs du domaine du fantasme irrigue tout le film. La capitale de Wakanda ressemble à n’importe quel décor de science-fiction. Quand la caméra s’aventure dans les rues, on découvre un joli mélange de grouillement équatorial et de high-tech...
Florence Kasumba dans le rôle dAyo dans « Black Panther », film américain de Ryan Coogler. MARVEL STUDIOS 2018