Blanchiment d'argent et financement du terrorisme : des juges francophones de la Cedeao formés aux techniques d’investigations.

Des juges francophones de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) suivent, depuis hier, à Dakar, une formation sur les techniques d’investigation financière et les procédures de l’entraide judiciaire internationale en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (Lba/Ft).

 La finalité est de renforcer les capacités afin de mieux lutter contrer les malfaiteurs.Le Groupe intergouvernemental d’action contre le blanchiment d’argent en Afrique de l’Ouest (Giaba), avec l’appui de la confédération Suisse, organise, depuis hier, un séminaire de formation pour les juges des pays francophones de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). Selon la directrice générale adjointe du Giaba, le Dr Ndèye Elisabeth Diaw, l’objectif est de combler un gap.

Car, en dépit des explications et la mise en place de cellules de renseignements financiers, peu de résultats sont obtenus sur le plan judiciaire en ce qui concerne les condamnations, explique Mme Diaw.Selon elle, cela n’est toutefois pas lié à un quelconque manque de volonté de la part des juges, mais plutôt à un déficit de formation. Elle poursuit que souvent, quand les juges sont saisis par les Cellules nationales de traitement des renseignements financiers, ils requalifient l’infraction en fraude, en corruption ou autres délits.

C’est ce manque de formation que le Giaba tente donc de juguler en renforçant les capacités des juges sur les mécanismes et les techniques d’investigations financières, l’identification des auteurs et le retraçage des fonds, les techniques d’enquête dans la poursuite pénale en matière de Lba/Ft, l’entraide judiciaire internationale, etc. La compréhension de ces mécanismes et techniques, estime Mme Diaw, permettra d’assurer la mise en œuvre effective et efficace des actions afin de geler les fonds, les avoirs, les produits des blanchisseurs et des terroristes.
 
La Suisse, experte en la matière apporte son concours en mettant à la disposition du Giaba quatre experts pour assurer la formation. Selon l’Ambassadeur de la Suisse au Sénégal, Mme Muriel Berset-Kohen, son pays est une plaque financière importante bien connue et qui, comme toutes les plaques financières du monde, a été confrontée à des tentatives de blanchiment d’argent.
 
Expertise suisse
 
Depuis 20 ans, indique-t-elle, la Suisse est devenue très active dans la lutte contre ce phénomène et elle a l’une des lois les plus sévères du monde. A l’en croire, c’est son pays qui a rendu le plus d’argent illicite qui avait été mis dans des banques à l’étranger. Selon Mme Berset-Kohen, la Suisse a rendu 1,7 milliard de francs suisses, plus que n’importe quelle autre place financière de même taille.

Et, cette expertise, indique l’Ambassadeur, la Suisse souhaite la partager. Ainsi, depuis 2011, elle a entrepris une coopération avec le Giaba à travers quatre formations notamment celle en cours centrée sur les aspects judiciaires. Cette formation, précise le chef du groupe d’experts, Daniel Dumartheray, n’est pas d’enchaîner une succession de conférences juridiques sur les différents aspects de la Lba/Ft, mais d’aborder la réalité de l’enquête sur le terrain à travers l’analyse de documents bancaires, la stratégie d’enquête en matière de blanchiment et de cas pratiques.
 
Le directeur de cabinet du ministre de la Justice, Malick Lamotte, a salué la coopération suisse avant d’indiquer que le Sénégal a mis en place un dispositif institutionnel et normatif qui répond aux standards internationaux afin de mieux prévenir, combattre et réprimer efficacement ces pratiques qui n’épargnent plus aucun Etat. De l’avis de M. Lamotte, la Lba/Ft reste largement conditionnée pour sa réussite par l’intégrité du système judiciaire et l’obligation pour les acteurs chargés de l’application du droit d’agir dans le respect des normes d’éthique, de responsabilité et de loyauté.
 
Adama MBODJ