Deux soldats français soupçonnés de pédophilie sur des fillettes au Burkina Faso ont été rapatriés en France, jeudi 2 juillet, et placés en garde à vue. La justice burkinabée espère participer à l’enquête, explique le quotidien burkinabé Sidwaya.
Deux militaires français sont soupçonnés “d'actes à connotation sexuelle” sur des enfants au Burkina Faso. Le parquet de Paris, comme à son habitude, a vite annoncé, le mardi 30 juin, l'ouverture d'une enquête pour faire la lumière sur les accusations.
Le gouvernement français, via son ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a aussitôt suspendu les deux soldats mis en cause en attendant que l'enquête statue sur leur sort.
Dans un communiqué, le ministre français a indiqué qu'une enquête de commandement a été déclenchée par le chef d'état-major des armées françaises, Pierre de Villiers. Parallèlement, la justice burkinabée a été saisie par l'ambassadeur de France à Ouagadougou. “Si les faits venaient à s'avérer, l'armée se montrerait implacable à l'égard des deux personnes concernées”, ont déclaré les autorités de l'Hexagone.
L'enquête préliminaire pour agressions sexuelles sur mineurs ouverte par le parquet de Paris a été confiée à la gendarmerie prévôtale, chargée du rôle de police judiciaire militaire auprès des forces armées françaises hors du territoire français. Foi à la crédibilité de la justice française, l'on ose espérer que cette fois-ci cette affaire de mœurs ne restera pas impunie.
Des attitudes incompatibles avec l’éthique
En effet, nous pensons que dans de pareilles circonstances, le pays accusateur devrait être prioritaire dans la conduite des procédures judiciaires jusqu'à l'aboutissement du dossier.
Malheureusement pour les antécédents que nous connaissons, cela n'a pas toujours été le cas. La France procède plutôt par le rappel des mis en cause sur son sol avant le début des investigations. Outre cette option qui laisse entrevoir une justice africaine incapable, ces deux soldats devraient être auditionnés et jugés si nécessaire au Burkina. Et c'est parce que les tribunaux africains sont parfois vus comme incompétents que toutes les bavures sur des innocentes ne sont pas jusqu'ici élucidées.
En réalité, c'est la énième fois que de tels faits sont reprochés aux casques bleus en général et aux soldats français en particulier. Des attitudes incompatibles avec l'éthique et la déontologie des armées.
Au Tchad, par exemple, des femmes ont affirmé avoir été violées par des soldats faisant partie du contingent tchadien en 2003. Par la suite, plusieurs casques bleus de l'ONU pour la stabilisation en Haïti en 2011 sont filmés en train de violer un jeune homme de 18 ans.
Suite à des sondages réalisés par une ONG britannique à l'ouest de la Côte d’Ivoire, huit jeunes filles ont reconnu avoir eu des rapports sexuels, en échange de nourriture, avec des éléments de l'Onuci [Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire], mise en place en 2003.
Dans les rangs de la Mission de maintien de la paix des Nations unies en République démocratique du Congo (Monuc), mise en place en 2009 et transformée en Monusco en juillet 2010, on a recensé 10 cas d’abus sexuels, de viols et de pédophilie. Deux soldats de la mission des Nations unies au Burundi sont suspendus en décembre 2004 suite à des allégations de “mauvaise conduite sexuelle”.
Un spectacle sinistre
Dans les témoignages de deux Rwandaises, publiés dans le mensuel Causette, deux femmes affirment avoir été violées par des militaires français déployés lors du génocide dans ce pays en 1994. Avant l'affaire du Burkina Faso, des militaires de la force Sangaris en Centrafrique ont été mis en cause.
C'était en 2014. Et le même spectacle sinistre est signalé dans les pays où sont basées des forces onusiennes comme le Soudan, le Liban, le Kosovo, la Bosnie, etc. A tel point qu'on se demande pourquoi ce sont des militaires qui sont censés protéger et sécuriser les populations qui s'adonnent à de telles pratiques ?
Des soldats français accusés d’avoir violé des enfants en Centrafrique
On a coutume de dire que “l'armée n'est pas l'armoire”, pour témoigner de la discipline, la loyauté et l'ordre dont les corps armés font montre. Où est passée cette identité ?
Que faut-il penser maintenant des 3 000 militaires français déployés au Sahel, dont 220 au Burkina Faso dans le cadre de l'opération antiterroriste Barkhane qui s'étend sur cinq pays (Mauritanie, Mali, Tchad, Burkina Faso et Niger) ? Les Burkinabés doivent-ils craindre pour leur sécurité ?
Espérons que cette affaire sera vite tranchée afin de situer les responsabilités et que le Burkina Faso sera associé à toutes les étapes de la procédure.
Wanlé Gérard Coulibaly
Photo:EMA / Un soldat de la Force Licorne en Côte d'Ivoire entouré d'enfants