Ainsi donc, les conseils des uns et les avertissements des autres, et même les menaces des ‘’irréductibles’’ (le mot est du Président Bédié) n’ont pas suffi à faire fléchir les présidents Henri Konan Bédié et Alassane Ouattara dans leur projet de ‘’candidature unique’’ à la Présidentielle de 2015.
Et sous les couleurs du RHDP (Rassemblement des Houphouétistes pour la Démocratie et pour la Paix), avec comme le ‘’bon cheval’’, Alassane Ouattara, le président sortant.
Certes, les deux grosses têtes du mouvement houphouétiste sont libres de prendre une telle décision, mais nous disons que ‘’leur liberté nous donne la liberté de contester leur liberté’’ ! Au nom de la démocratie que nous avons appelée de tous nos vœux et que, l’ayant obtenue, nous devons œuvrer à consolider. Opter pour une ‘’candidature unique’’ au RHDP dans le contexte actuel, c’est tuer ‘’et l’enjeu et le jeu’’ du scrutin. Et donc, in fine, tuer dans l’œuf la ‘’démocratie naissante’’ dans notre pays.
Mais tout d’abord une précision : contrairement à ce qu’on croit ou à ce qu’on affirme, la déclaration de ‘’l’ancien Président’’ ne constitue pas un ‘’soutien du PDCI-RDA’’ à la candidature unique, car signée en son nom propre :’’Henri Konan BEDIE, Ancien Président de la République, Fils de la Région de l’IFFOU’’. Plus ambigu encore est le point (de la déclaration) qui recommande à tous les militants qui veulent se présenter de le faire en toute liberté : «Tu seras ainsi le candidat unique des partis politiques pour l’élection présidentielle de 2015 sans préjudice pour les irréductibles qui voudront se présenter en leur nom propre», a-t-il clairement précisé. Preuve qu’il n’a pas engagé le PDCI-RDA.
Engagement personnel
Ainsi donc, la décision du président Bédié, baptisée ‘’l’Appel de Daoukro’’,
n’engage que lui seul. Et il en est bien conscient qui insiste :’’(…) Toutes ces réalisations sont faites pour le développement durable du pays et donc pour la stabilité et la paix. C’est bien ce qui me motive à te soutenir personnellement (…), toi qui les conduis’’. L’Appel de Daoukro n’est donc pas une ‘’décision solitaire’’ imposée aux autres : les militants du PDCI-RDA, encore moins les autres membres du RHDP. Et c’est en cela que la réaction d’un Anaky protestant contre l’Appel de Daoukro sous prétexte que cela aurait dû se faire ‘’collectivement’’, manque de pertinence, surtout venant de lui qui avait dit sur la question :’’Nous attendons tous une réponse de Bédié’’ (c’était à l’issue du ‘’26ème Congrès du MFA’’, en Juillet dernier).
Si donc le soutien de ’’l’Ancien Président de la République, Fils de la Région de l’IFFOU’’ à ’’l’Actuel Président de la République, natif de Dimbokro’’, ‘’n’engage que lui seul’’, peut-on (ou doit-on) lui en vouloir ? N’a-t-il pas ‘’le droit de soutenir son jeune frère’’ à cette Présidentielle où il n’est pas lui-même candidat ? ‘’Il a le droit, mais sans brader le PDCI-RDA, un ‘’parti historique’’, qui est ’’le bien le plus précieux légué par le père fondateur’’, dit un irréductible qui ajoute : ‘’S’il est fatigué (et il est fatigué !), qu’il passe tout simplement la main à la jeune génération d’houphouétistes qui sont prêts à se battre corps et âme pour défendre l’houphouétisme dont le PDCI-RDA est l’un des éléments essentiels!’’. Enfin, fulminant contre le projet de création d’un ‘’parti unifié’’ (baptisé déjà ‘’PDCI-RDR’’ par Bédié et approuvé par Ouattara !), cet irréductible déclare, révolté : ‘’Le RDR est sorti du PDCI, maintenant s’ils veulent la fusion, ben, qu’ils regagnent la maison tout simplement !’’.
En somme, pour beaucoup, ‘’si le chef a parlé, c’est que tout est décidé’’. D’ailleurs le PDCI-RDA, par le truchement de son Secrétariat exécutif, a déjà apporté son soutien à l’Appel de Daoukro. En effet, le ministre Kobenan Kouassi Adjoumani, le porte-parole, a, au terme d’une session extraordinaire qui s’est tenue le 18 Septembre dernier au siège du parti à Cocody, invité les militants à ‘’demeurer sereins et suivre l’appel du président du parti’’. Il a toutefois précisé que le Secrétariat continuait de ‘’travailler pour examiner comment mettre à l’exécution cet Appel de Daoukro’’.
Un langage alambiqué
Toujours est-il que les irréductibles restent méfiants. Ainsi, la possibilité à eux laissée de se présenter en 2015 sonne dans leurs oreilles comme le ‘’piège de Moïse’’ aux enfants d’Israël : après avoir demandé à ceux-ci de choisir entre l’Eternel et le ‘’veau d’or’’, il massacra ceux qui avaient choisi le veau d’or. La Bible parle de ‘’trois mille tués’’ ! (Exode 32 : 27-29). La leçon : il n’est pas incertain que celui qui choisit de ‘’se présenter en son nom propre à la Présidentielle de 2015 ne creuse lui-même sa ‘’tombe politique’’ ! On comprend donc la colère de ceux qui ont compris le langage alambiqué de Bédié.
Ce qui est certain, c’est que la ‘’guerre’’ est déjà déclarée, et par le Président Bédié lui-même qui, en appelant à ‘’un mouvement pour faire aboutir ce projet’’ (de candidature unique), a sonné le tocsin pour les hostilités. Un de ses arguments :’’Il n’y a personne pour battre Ouattara en 2015 !’’. Riposte des irréductibles : eux aussi se préparent à «se mettre en mouvement pour faire échec à ce projet pas du tout démocratique». Pour eux, si le PDCI-RDA ne présente pas de candidat en 2015, cela consacrera, non seulement la ‘’seconde mort du sage de Yamoussoukro’’, mais la mort de la démocratie en Côte d’Ivoire. Et donc le retour au parti unique !
Le combat des irréductibles se pose donc en terme de ‘’combat pour la préservation de la démocratie’’ qui passe (cette préservation de la démocratie) nécessairement par la présence au premier tour de la Présidentielle de 2015 des trois (3) grands partis politiques actuels en Côte d’Ivoire : PDCI-RDA, RDR et FPI. Toute décision ou tout acte qui tend à dévoyer ce processus démocratique est à combattre. La ‘’candidature unique au premier tour’’ de la Présidentielle de 2015 est bien l’une de ces décisions à combattre !
Retour au parti unique !
Concernant le ‘’grand parti unifié’’ projeté, les irréductibles n’en voient ni l’intérêt ni l’urgence, sinon que c’est pour ‘’nous ramener au parti unique !’’ Pour eux, ce qu’il convient de faire aujourd’hui, c’est, d’une part, au niveau du PDCI, de ‘’respecter les résolutions du 12ème Congrès’’ (tenu les 3, 4, 5 et 6 Octobre 2013) qui prévoit la candidature du parti à la Présidentielle de 2015, et, d’autre part, au niveau du RHDP, de s’en tenir, pour l’heure, aux textes fondateurs de l’Alliance (signés le 8 Mai 2005 à Paris) qui font obligation à tous les partis membres de ‘’soutenir le «candidat houphouétiste’’ bien placé au ‘’second tour’’. Alors, «où est le problème urgent qui oblige à présenter hic et nunc un «candidat unique» à la Présidentielle de 2015 ?», s’interrogent-ils perplexes.
Il y a bien des ‘’cadres actifs’’ du parti qui sont prêts à en découdre avec le président sortant, et gagner afin de sauvegarder et «l’héritage» du «Nanan national», et la démocratie appelée à prospérer en Côte d’Ivoire. Et puis, est-ce un drame si, par malheur, le ‘’candidat irréductible’’ est «démocratiquement battu» ? Bédié battu en 2010, n’est-il pas auréolé aujourd’hui ? Ce qui est certain, c’est que, dans tous les cas, cela participe de la dynamique de la démocratie dont les «enfants d’Houphouët-Boigny» doivent être fiers !
Ainsi donc, si la guerre est aujourd’hui déclarée entre partisans et adversaires de la candidature unique, cela ne doit pas effrayer outre mesure. A condition bien sûr qu’elle soit non pas «fratricide», mais plutôt «fraternelle», avec comme arme de combat, «des idées et des mots», le tout couronné par le «bon ton», pour le bonheur de la Côte d’Ivoire démocratique. Amen.
Candidature unique : Et maintenant ? - Photo à titre d'illustration