Drame, mélodrames et bien des mésaventures se mêlent et s’entremêlent dans la parenthèse de vie d’Alafé Wakili, journaliste, éditeur de presse. Dans cet ouvrage « Notre histoire avec Laurent Gbagbo », non seulement l’auteur relate ses tourments, mais, il a sous-titré le fruit de son inspiration « Regard sur quinze années de crise en Côte d’Ivoire ». Il dit sa part de vérité à, travers les différentes péripéties qui ont marqué l’histoire récente de la Côte d’ Ivoire. Selon Alafé lui-même, l’histoire est témoignage. On peut donc retenir qu’Alafé Wakili interprète et dissèque les faits qu’il a vécus. Pour nous l’histoire respecte deux conditions ou s’inscrit dans une double formule : l’histoire en tant que science est vérité. Et l’histoire en tant que détentrice du passé est mémoire. Pour qu’elle exerce cette double fonction, celui qui s’en sert doit s’y mettre avec beaucoup de lucidité, de sérénité, de rigueur surtout quand le moule dans lequel on la consigne est un essai. L’entrée en scène d’Alafé Wakili commence au plan journalistique par le Quotidien « le National ». Son ardeur au travail lui permet de gravir rapidement les échelons. Il devient le plus jeune rédacteur en chef de la presse écrite en Côte d’Ivoire, de l’époque à l’image de Laurent Dona Fologo en son temps. L’auteur donne à lire ceci dès les premières pages : « Le National venait de signer sa présence sur le marché. Créer pour défendre les institutions républicaines et venir au secours du président de la république Henri Konan Bédié malmené par le F.P.I et le R.D.R, à travers la presse écrite qui leur était proche ». Voici comment le jeune audacieux s’est ouvert la voie de la jungle des politiciens. Des Journaux comme le Bélier, la Nouvelle République, Réveil Hebdo, le National lui ont servi de canal pour plonger dans la réalité du terrain. Désormais, son agir, notamment ses actions et ses réactions se frottent contre les élans de leaders politiques Gbagbo, Ouattara, Bédié. Ce sont les aiguilles qui comptent le temps. Le jeune impénitent qui essaie de comprendre l’enchevêtrement des combinaisons qui nourrit la vie politique. Il développe des thèses et antithèses pensant que les analyses, logiques ont une certaine prépondérance dans les arènes politiques. Le plus souvent, et c’est cela qui fait la pièce, c’est le syllogisme qui marche ! Chercher à détecter le virus qui ronge les rapports entre les hommes politiques, c’est tenter de réaliser un exploit digne de Zeus. Mais Alafé Wakili s’exerce tout de même à la pratique pour dire sa part de vérité en vue de satisfaire son devoir de mémoire. La plume de l’auteur de « Notre histoire avec Laurent Gbagbo » aura eu assez de nerfs pour retracer les faits qui ont marqué le coup d’état de 1999 contre Bédié, l’arrivée de Guéi « Le balayeur » à la tête de la Côte d’Ivoire, l’avènement de la Refondation au pouvoir avec pour chef de file Laurent Gbagbo en 2000 au prix d’élections qui se sont déroulées dans des conditions calamiteuses selon les termes du vainqueur du scrutin lui-même. La France et la Communauté Internationale qui avaient très tôt préparé une offensive déstabilisatrice contre Laurent Gbagbo actionnent leur stratagème et attaquent le régime par l’intermédiaire d’une rébellion en 2002. A partir de cette date le contrôle absolu de l’Etat échappe au Président de la République. Le pays est divisé en deux. Gbagbo règnera durant dix ans sans gouverner. Au cours de l’élection présidentielle de 2010 qui a mis aux prises Laurent Gbagbo, Henri Konan Bédié et Alassane Ouattara, l’histoire se répète. Le Président du R.D.R accède au pourvoir dans des conditions absolument dramatiques. Les éclats de la foudre tombent sur Laurent Gbagbo qui est détenu à la prison internationale de la Haye. Personne n’arrive à déchiffrer les causes réelles de cette incarcération. Chercher à définir le nombre d’asticots qui grouille dans les eaux troubles de la politique, c’est patauger soi-même dans une mare vaseuse. Alafé Wakili est pris dans les tourbillons d’une situation mal maîtrisée. Il a passé 45 jours en prison. A la maison d’arrêt et de correction d’Abidjan, prévenu de faux et usage de faux dans des documents administratifs concernant sa nationalité. En clair a parlé de fraude sur la nationalité ivoirienne. Y avait-il eu effectivement fraude ? Alafé Wakili avait-il agi de bonne foi ? De la page 196 à 197 on lit ceci « Attendu qu’il a été découvert trois différents extraits de naissance à l’actif du nommé Alafé Wakili…Attendu que le prévenu ne conteste pas les faits ainsi mis à sa charge… que le prévenu a pour père d’une part Moustapha Amaho et d’autre part Bakayoko Bréhima ». La Réplique d’Alafé se traduit ainsi : comment une personne qui est née en Côte d’Ivoire avant 1972 peut-elle fabriquer un faux acte de naissance et faire usage de ce faux alors que la loi fondamentale exprime clairement qu’elle possède pleinement la nationalité ivoirienne ? Heureusement, le décret de grâce présidentiel signé le 17 Décembre 2008 a su mettre fin à cette affaire abracadabrante. Quoi qu’il en soit Alafé Wakili a eu le mérite d’exprimer son malaise et son désarroi d’une manière ou d’une autre sans peut-être agresser le cours de l’histoire. Une bonne marge est laissée à ceux qui porteront des regards différents de ceux de l’auteur de « Notre histoire avec Laurent Gbagbo, regard sur quinze années de crise en Côte d’Ivoire ».
AZO VAUGUY
Contribution / « Notre histoire avec Laurent Gbagbo » d’Alafé Wakili : Dans les méandres d’une douloureuse parenthèse - Photo à titre d'illustration