C’est l’un des vestiges des anciens présidents burkinabè et Ivoirien, Blaise Compaoré et Laurent Gbagbo. Le Traité d’amitié et de coopération (TAC) porté sur les fonts baptismaux le 29 juillet 2008, survit donc à ses pères. La raison d’Etat a eu raison de tout. Malgré les brouilles et surtout la gêne, née de l’éviction du ‘’Beau Blaise’’ et sa fuite en Eburnie ; l’extradition du ‘’Woody de Mama’’ à la Cour pénale internationale CPI), les deux pays se préparent à tenir le VIe sommet du TAC. Tout en évitant, soigneusement et diplomatiquement, les questions qui fâchent.
Les présidents se sont succédé à la tête des deux Etats, mais le Traité d’amitié et de coopération (TAC) est resté. Le temps a balayé des gouvernements de part et d’autre, mais les traces du traité sont gravées. De la « real politik ! » quand on sait que sous nos cieux, la nature des relations entre président entrant et président sortant détermine la poursuite ou non de certaines politiques.
Alassane Dramane Ouattara (successeur de Laurent Gbagbo, dans les conditions que l’on sait), marche dans les sillons tracés par l’actuel locataire d’une des cellules de la CPI à la Haye. Sur le plan du TAC, bien évidemment. Le président ivoirien marche dans ce chantier avec Roch Kaboré (successeur de Blaise Compaoré, par les urnes).
Entre les nouveaux héritiers du TAC, il y a pourtant des questions qui fâchent. La plus importante, celle Blaise Compaoré. L’homme s’est réfugié dans le pays ‘’frère et ami’’ de ses beaux-parents. La justice de son pays veut l’entendre dans le dossier de l’insurrection populaire, en tant que ministre de la défense en 2014. Comme dans un jeu de chat et de la souris, la Côte d’Ivoire s’est empressée de gratifier Blaise Compaoré de la nationalité ivoirienne. Une immunité à demi-mot. La suite vous la connaissez, ‘’la Côte d’Ivoire n’extrade pas ses citoyens’’. Et pourtant… !
L’autre dossier non moins important qui aurait pu refroidir les deux gouvernements à poursuivre certaines politiques communes, c’est bien entendu ce qu’il convient d’appeler le cas Guillaume Soro. Premier ministre de Laurent Gbagbo lors de la signature du TAC en 2008, l’homme n’est pas du tout en odeur de sainteté avec certaines nouvelles autorités burkinabè. Celui qui était présenté comme son parrain (Blaise Compaoré) ayant été remercié par la rue, son ‘’bon petit’’ (pour parler comme les ivoiriens) a cru bon soutenir le coup d’Etat de septembre 2015 (à en croire cet enregistrement entre lui et Djibrill Bassolé) pour le retour de ses anciens camarades.
Les intérêts avant tout ?
Malgré tout cela donc, les deux Chefs d’Etat pérennisent le TAC. Le Premier ministre ivoirien, Amadou Gon Coulibaly, était ce 8 juillet à Ouagadougou dans le cadre justement du VIème Sommet du traité entre la Côte d’Ivoire et le Burkina-Faso, prévu les 17 et 18 juillet prochains. Le nouveau chef du gouvernement ivoirien est venu harmoniser les différents axes de discussion en vue de la prochaine rencontre.
Des projets longtemps annoncés et toujours attendus seront encore sur la table à cette occasion.
La construction de l’autoroute Yamoussoukro-Ouagadougou (qui serait en bonne voie), la réhabilitation du chemin de fer Abidjan-Ouagadougou-Kaya et son prolongement jusqu’à Tambao seront des axes de discussion à ce Sommet.
La rencontre préparatoire a également porté sur l’électricité que la Côte d’Ivoire s’est engagée à fournir au Burkina. Sur ce point, les parties se sont réjouies de ce que la Côte d’ivoire a dépassé ce qui a été demandé. Elle a atteint 83 Mégawatts (au dernier sommet, le Burkina avait demandé une augmentation de 70 à 80 Mégawatts). Mieux, dès le premier trimestre de 2018, l’offre pourra atteindre 90 Mégawatts.
Ce sont entre autres questions qui seront discutées au plus haut niveau. Le Sommet de haut niveau qui sera présidé par les deux Chefs d’Etat, Alassane Ouattara et Roch Kaboré, sera précédé par la tenue d’un Conseil des ministres conjoint le 17 juillet 2017.
En attendant la justice ?
Des projets de développement donc que les deux pays ont intérêt à mettre en œuvre, même si pour cela, les questions de justice et de redevabilité doivent être rangées (momentanément ?). Ces sujets, même s’ils ne seront pas sur la table des discussions, resteront en suspens, en attendant un courage politique ‘’exceptionnel’’ de part et d’autre.
Du courage, et du sans faux fuyant, il en faudra. Accompagné de son homologue burkinabè, le Premier ministre ivoirien a été reçu en audience, après les travaux préparatoires, par le président du Faso le, 7 juillet. Faisant le point de cette journée de travail, et répondant à une question des journalistes qui ont voulu savoir si la question de l’extradition de l’ancien président a été évoquée et si la Côte d’Ivoire était prête à s’exécuter, ce n’est pas le Premier ministre dont le pays offre gite et couvert au ‘’wanted’’, mais bien Paul Kaba Thiéba qui botte en touche. « Les questions de justice relèvent de l’institution judiciaire. Nous relevons de l’exécutif », a-t-il dit. Pour lui, la justice doit rester indépendante, sans ingérence ni de l’exécutif ni du politique. « Les questions que nous avons évoquées sont celles qui touchent au développement, à l’intégration économique, à la culture, etc. », a précisé Paul Kaba Thiéba. Voilà qui en dit long sur la volonté des autorités de ne pas s’embarrasser de ces questions.
Pourtant à l’article 7 du traité signé le 29 juillet 2008, il est clairement établi que la coopération dans le domaine judiciaire sera renforcée. Tout dépend de la tête sur laquelle pend l’épée de la justice. C’est donc une coopération sélective, et cela dans l’intérêt des deux présidents actuels. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce n’est peut-être pas la Côte d’Ivoire qui ne veut pas extrader X ou Y. Les autorités burkinabè, le veulent-elles vraiment ? En font-elles une priorité ?
Tiga Cheick Sawadogo
Coopération Burkina-Faso/Côte d’Ivoire : entre realpolitik et besoin de justice