"Les stagiaires que vous voyez ici n'ont plus rien à voir avec les ex-combattants qui ont été embarqués de gré ou de force et escortés manu militari. Quelque chose s'est passé dans leurs corps, dans leurs esprits et dans leur monde".
Ces phrases ont été prononcées jeudi par le porte-parole de 992 ex-combattants devant un parterre de personnalités à l'occasion de leur sortie officielle après un mois de stage au centre de resocialisation de l'Autorité pour le désarmement, la démobilisation et la réinsertion (ADDR) à M'bahiakro (centre, 410 km d'Abidjan).
OUBLIER LE PASSE MILITAIRE
Sapés dans leurs culottes et leurs chemises de couleur verte, chaussés de bas blancs et de baskets flambant neuves, les stagiaires du centre de resocialisation, enthousiastes, avaient fière allure.
Ces ex-combattants de la crise post-électorale de 2010 ont été délogés pour la plupart d'une caserne de police qu'ils occupaient dans la commune abidjanaise de Yopougon, et envoyés le 24 avril dans ce centre censé les aider à "rompre avec leur passé d'ex-combattants" et à "choisir leur activité future".
Le centre de resocialisation est un vaste espace clos, aménagé au milieu de grands arbres qui couvrent d'ombre, entre autres, les salles de classes, une infirmerie et les dizaines de tentes qui servent de dortoirs aux stagiaires.
"Tout est fait pour qu'ils oublient leur passé de militaires, il n'y a pas d'armes ici", explique un agent de l'ADDR.
Pas de militaires, en dehors de ceux en faction devant le grand portail d'entrée. Même les encadreurs, des gendarmes, ne portent pas de tenue militaire et n'ont pas d'armes.
Avec leur pantalon kaki et leur polo bleu, ils passeraient pour des civils s'il n'y avait les inscriptions "gendarmerie" et "GIP-GN" (Groupe d'instruction et de perfectionnement de la gendarmerie nationale) au dos de leur polo.
Appuyés par des spécialistes en "soutien psychologique", les encadreurs ont pu former les ex-combattants au civisme et à la discipline, les initier aux notions du genre et des droits de l'homme.
En un mois, les stagiaires ont également reçu des formations-conseils sur le sida, la gestion de la famille, les abus d'alcool et de drogues.
"Nous ne savions pas qu'en dépit de ce que nous avions espéré depuis des années, autre chose nous attendait pour nous conduire au bonheur auquel aspire tout citoyen", a relevé leur porte-parole, Yéo Zémogo.
Les ex-combattants qui espéraient être recrutés dans l'armée avaient accepté à contre coeur d'être envoyé à l'ADDR. "Maintenant, ce sont des sentiments de reconnaissance, d'infinie gratitude et de joie immense qui nous animent en ce moment précis", a-t-il ajouté.
Les stagiaires de M'bahiakro avaient effectivement de quoi être heureux à l'occasion de leur sortie officielle. Il leur a été remis des bons de permis de conduire, un salaire mensuel de 40 000 francs CFA (80 dollars), des carnets de compte bancaire mais également des bons pour l'accès à des formations qualifiantes.
LA FORMATION, PRÉREQUIS A TOUTE INSERTION
Face aux stagiaires, le directeur de l'ADDR, Fidèle Sarassoro, a souligné l'importance de la formation, en particulier une "formation reconnue".
"Vous avez une opportunité inouïe d'emploi, ne regardez plus en arrière mais tournez vous vers les opportunités et le futur", leur a-t-il lancé, les assurant qu'ils peuvent "se faire un avenir hors de l'armée".
Présentes au centre, des agences du système des Nations unies, l'agence nationale pour l'emploi et la Chambre nationale des métiers proposent aux stagiaires des formations qualifiantes.
Les ex-combattants ont le choix entre la conduite d'engins, les métiers de l'industrie, les métiers de l'agropastoral, du bâtiment et des travaux publics, le transport ou l'économie verte.
Le directeur de l'ADDR les a invités à ne jamais baisser les bras malgré les difficultés qu'ils pourront rencontrer. "Le plus important c'est l'avenir, vous serez confrontés à des difficultés mais sachez que la grandeur d'un homme c'est de pouvoir surmonter ces difficultés", a-t-il martelé.
"Il faut saisir l'opportunité de formation, n'acceptez plus jamais qu'on vous appelle ex-combattant, soyez prêts à brandir votre carte de formation et non votre carte de démobilisé", a-t-il poursuivi.
Au total 3163 ex-combattants sont en cours de resocialisation.
Parmi eux, 2291 sont issus de l'opération de libération des sites militaires et privés occupés par les ex-combattants "associés" aux Forces républicaines de Côte d'Ivoire (FRCI, armée nationale).
L'ADDR dispose de six centres à Boundiali (nord), M'bahiakro (centre), Bondoukou (nord-est), Bouaké (centre), Guiglo (ouest) et Bouaflé (centre-ouest) pour faciliter le retour des ex-combattants à la vie civile. Officiellement, 64 000 ex-combattants sont concernés par le processus de désarmement, démobilisation et réinsertion, selon la base de données "réactualisée" de l'ADDR.
Selon la structure, "à la date du 20 mai 2015, ce sont 55 522 ex-combattants qui sont en cours de réinsertion ou réintégrés", soit "87% de la base de données".
La mission de réintégration à la vie civile confiée à l'ADDR s'achève à la fin du mois de juin. "L'objectif peut être atteint d'ici le 30 juin 2015, date à laquelle il n'y aura plus de programme DDR (désarmement, démobilisation, réinsertion)", a précisé le directeur de l'ADDR.
"Bien sûr, les derniers ex-combattants inscrits avant fin juin 2015, ceux qui sont dans le processus, continueront à bénéficier d'un soutien pour achever leur parcours jusqu'à leur intégration", a assuré M. Sarassoro.
Photo d'archives à titre d'illustration