Avec une politique volontariste, la Côte d’Ivoire veut s’imposer comme le champion francophone du 7e art en Afrique subsaharienne. Ses modèles ? La France et le Maroc.
Pour expliquer son parcours, l’un des réalisateurs les plus prometteurs du cinéma ivoirien, Philippe Lacôte, évoque un petit bout d’enfance. « Notre maison à Abidjan, dans le quartier de Marcory, était collée à un cinéma, le Magic. Souvent, quand ma mère allait faire les courses, elle m’y laissait… puis me reprenait au retour. Je ne voyais jamais les films en entier, c’est peut-être ce qui m’a permis de développer mon imagination. »
Nostalgie
Le cinéaste, nostalgique, se souvient de l’importance que les salles obscures avaient à la fin des années 1970. « Elles structuraient la vie sociale, c’étaient des lieux devant lesquels on se retrouvait, c’est même devant les salles de ciné qu’a été inventé le nouchi, l’argot ivoirien. Mais c’était une autre époque… Quand la vidéo a débarqué, elles ont été désertées. D’autant qu’il y avait aussi des problèmes de sécurité, des agressions, et que les cinémas, peu entretenus et sans soutien de l’État, n’en finissaient pas de péricliter. »
"Quand je suis arrivé en poste en 2011, le cinéma était mort"
Alors qu’auparavant chaque ville avait sa salle (Abidjan en comptait près d’une centaine), les établissements ont fermé les uns après les autres en l’espace de trente ans. Certains ont été reconvertis en magasins ou en églises évangéliques, des croix étant accrochées à la va-vite sur les écrans.
Et même des lieux illustres (Les Studios, Le Paris, L’Ivoire…) ont mis la clé sous la porte. En parallèle, l’« industrie » déjà peu fougueuse du cinéma ivoirien marquait le pas. « Avant que mon long-métrage Runsoit sélectionné à Cannes, en 2014, la Côte d’Ivoire n’y avait pas été représentée pendant vingt-neuf ans », regrette Lacôte.
Rencontré à l’occasion du Festival du film francophone d’Angoulême,où la Côte d’Ivoire était cette année invitée d’honneur, Maurice Kouakou Bandaman, ministre de la Culture et de la Francophonie du pays, ne mâche pas ses mots.
« Quand je suis arrivé en poste en 2011, le cinéma était mort, assène-t‑il. Il n’y avait plus de production depuis plus de vingt ans. Seules des séries télé de qualité, comme Ma famille, lancée en 2002, ont permis aux acteurs de rester devant les caméras. »
Manque de soutien de l’État
Ce qui a précipité la disparition de l’industrie ? « Le manque de soutien de l’État, tranche le ministre. Sans la coopération française, nos grands réalisateurs – Timité Bassori, Désiré Écaré… – n’auraient jamais pu travailler. Il fallait que nous mettions en place une politique volontariste chez nous. » En réalité, une réflexion avait été engagée avec des professionnels de l’industrie avant l’arrivée au pouvoir d’Alassane Ouattara. Mais c’est effectivement sous sa présidence que les premiers gestes concrets ont été réalisés...
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