Côte d’Ivoire: Abidjan, théâtre insolite des querelles politiciennes libanaises

  • 01/02/2018
  • Source : France Info
A quelques jours de l’ouverture à Abidjan du congrès de la diaspora libanaise en Afrique, «l’Orient-le-Jour» révèle comment la capitale ivoirienne est devenue l’«épicentre» d’une querelle intérieure libanaise. Laquelle oppose le chef de la diplomatie Gebran Bassil à celui du Parlement Nabih Berri, tous deux à la pêche aux voix des émigrés du continent à l’approche du prochain scrutin législatif.

Sous l’appellation Lebanese Diaspora Energy (LDE), le 4e congrès de la communauté libanaise émigrée doit se tenir les 2 et 3 février prochains à Abidjan.

Cette rencontre, la deuxième du genre sur le continent après celle de Johannesburg en 2017, a pris cette année une tournure insolite, à l’approche des élections législatives prévues le 6 mai 2018 au pays des cèdres.

Abidjan, «champ de bataille» d'une querelle entre deux responsables libanais
Le quotidien libanais francophone, l’Orient-le Jour (OLJ) révèle en effet qu’avant même la tenue de ce congrès, la capitale ivoirienne est devenue le «champ de bataille» d'une querelle qui oppose deux personnalités libanaises de premier plan: le chef de la diplomatie libanaise, Gebran Bassil, un chrétien maronite qui est également gendre du président Michel Aoun et initiateur de ce congrès LDE, et le président du parlement libanais, Nabih Berri, qui est aussi le chef du mouvement chiite Amal, à la fois allié et concurrent communautaire du Hezbollah.

A la pêche aux voix de la diaspora, évaluée à 14 millions de personnes (pour 4 millions au pays), dont 110.000 environ en Afrique sub-saharienne, «les deux hommes étaient déjà à couteaux tirés, à cause notamment du refus de M.Berri d’avaliser la proposition de M.Bassil de rouvrir l’inscription des électeurs libanais résidant à l’étranger», écrit l’OLJ.

Selon le quotidien, qui cite «plusieurs sources concordantes», un mot d’ordre de boycott aurait été lancé sur «directives» de Nabih Berri «dans toutes les contrées africaines». Il pourrait être suivi par une grande majorité des participants chiites au congrès d’Abidjan.

Les nouvelles courent déjà dans la capitale ivoirienne sur un éventuel boycott d’une large partie de cette communauté, qui représente 90% des Libanais de Côte d’Ivoire contre 8% de chrétiens, estime le journal.

Des querelles de clocher entre émigrés libanais
«Quand j’ai appris la nouvelle du boycott, j’ai cru qu’il s’agissait d’une plaisanterie», a confié à l’OLJ un responsable libanais vivant à Abidjan. Pour lui, les querelles de clocher entre émigrés libanais ont toujours existé, mais elles n’avaient jamais atteint ce stade.

«C’est le train-train quotidien ici. Les Libanais importent leurs problèmes même en Afrique», dit-il. Chacun d’entre eux révèle son affiliation politique «par associations religieuses et communautaires interposées», explique-t-il, citant l’association de Moussa Sadr, qui regroupe les sympathisants du mouvement Amal, l’association Ghadir, ceux du Hezbollah et la Mission libanaise, pour les partis chrétiens.

Au Liban, où la polémique fait rage (jusque dans la rue) entre les deux responsables, notamment après la publication sur les réseaux sociaux d’une vidéo où l’on entend le ministre des Affaires étrangères traiter le président de l’Assemblée de «voyou», le Premier ministre Hariri a lancé un appel au calme.

La vidéo, «fuitée» et publiée sur les réseaux sociaux, sur laquelle on entend le ministre Gebran Bassil traiter le président de l'Assemblée, Nabih Berri, de «voyou».

Sur le continent africain en revanche, les avis sont partagés sur la suite des événements. Quelle que soit l’ampleur du boycott, il ne devrait pas affecter outre mesure le congrès, «très prisé par les hommes d’affaires, les commerçants et opérateurs économiques de tous calibres», estime le responsable interrogé par l’OLJ.

Laisser la diaspora hors des querelles politiciennes
Plus sceptique, un homme d’affaires libanais de Guinée-Conakry, où la controverse a également trouvé des échos, estime que cette polémique risque de se répercuter négativement sur ce rassemblement ainsi que sur la réputation des Libanais «qui pourtant ont fait leurs preuves à l’étranger», dit-il.

Si des voix à Abidjan se sont élevées pour manifester leur soutien à Nabih Berri ou demander un report de la rencontre, d’autres suggèrent de laisser la diaspora hors des querelles de politique politiciennes.

Tel Ahmad Zein, un homme d’affaires résidant à Conakry, cité par le quotidien francophone et pour lequel «il faut laisser les membres de la diaspora, qui ont à leur crédit de grandes réussites, poursuivre sur leur lancée».

«Personnellement, je ne suis pas contre M.Berri, ni contre M.Bassil. Je suis simplement en faveur de ce congrès colossal qui va servir le Liban et les hommes d’affaires pour que le drapeau de notre pays flotte un peu partout en Afrique. En somme, je soutiens toute initiative susceptible de servir et d’honorer le Liban», conclut-il.