Cinq peines de prison à vie, dont l’une vise l’ex-chef de la garde républicaine, le général Brunot Dogbo Blé, ont été requises mardi dans l’affaire des "Disparus du Novotel" d’Abidjan, concernant l’enlèvement et le meurtre en 2011 de quatre personnes, dont deux Français, en pleine crise ivoirienne.
"Les principaux coupables sont connus. J’ai requis contre eux la prison à vie. Ce sont des faits extrêmement graves", a déclaré l’avocat général du tribunal de Yopougon, quartier d’Abidjan, Souleymane Koné, qui a requis la perpétuité contre le général Dogbo Blé mais aussi contre deux colonels, un commissaire et un milicien civil.
Le 4 avril 2011, au plus fort de la crise post-électorale en Côte d’Ivoire, un commando, cherchant "des snipers mercenaires, espion ou journalistes", selon l’avocat général avait fait irruption à l’hôtel Novotel, emmenant son directeur, le Français Stéphane Frantz Di Rippel, son compatriote Yves Lambelin, directeur général de Sifca, plus grand groupe agro-industriel ivoirien, l’assistant béninois de celui-ci, Raoul Adeossi, et le Malaisien Chelliah Pandian, directeur d’une filiale de Sifca.
L’avocat général a rappelé que les quatre hommes avaient été emmenés au palais présidentiel alors contrôlé par les hommes de l’ancien président Laurent Gbagbo qui était encore au pouvoir. Ils y "ont été torturés, sauvagement battus avant d’être tués", a souligné le magistrat parlant "d’actes de barbarie".
Deux corps ont été retrouvés fin mai 2011 dans la lagune près d’Abidjan, mais seul le cadavre d’Yves Lambelin a pu être formellement identifié.
Celui-ci a été exécuté d’une balle dans la tête alors que "le rapport medico-légal a mis en évidence des fractures multiples aux membres inférieurs et supérieurs", a rappelé l’avocat général.
Selon M. Koné, le général Dogbo Blé, déjà condamné à la prison à vie dans le cadre de l’assassinat de l’ancien président Robert Gueï et à 20 ans pour atteinte à la sureté de l’Etat dans le premier procès de Simone Gbagbo, avait "la parfaite connaissance de l’enlèvement des otages du Novotel" en tant que "commandant militaire du palais "(présidentiel). Il a précisé que le général dont le nom de code au Palais était "Atlas" était le "centre de gravité" de l’affaire.
- silence des accusés -
"Face à la réalité des faits, il a été opposé le silence", a rappelé le parquet qui a souligné la solidarité dans le mutisme de la plupart des accusés. Le procès n’a pas permis de faire toute la lumière sur les circonstances exactes de la mort des victimes et le lieu où se trouvent leurs corps.
Le parquet a aussi requis la peine à vie, contre le commissaire Osée Logué, dépeint comme un des principaux bourreaux, les colonels Aby Jean et Okou Mody L2opold (des ajoints du général) et un milicien officiellement pompier Guehi Bleka Henri dit le "Rougeaud", un des principaux exécutants.
Le parquet a aussi demandé 10 ans de prison contre Yoro Tapeko, le seul accusé à avoir donné sa version des faits.
"Je salue le travail du Parquet général. Un travail rigoureux et implacable qui prend acte du silence, et de la façon très choquante qu’ont eu les accusés de se défendre", a commenté Me Pierre Olivier Sur, avocat français des victimes, "Les culpabilités telles qu’ils les a établies et l’échelle des peines correspondent très exactement à ce que nous pensons".
"Ce procès était aussi fait pour qu’une parole se délivre, pour que les familles sachent comment se sont passés les derniers moments et où les corps ont été jetés. On ne le saura jamais", a-t-il regretté.
Pour Rodrigue Dadjé, un des avocats de la défense qui plaidera à partir de mardi, "le réquisitoire n’a pas été à la hauteur? avec de nombreuses contrevérités. Le parquet représente le peuple et doit chercher la vérité, ca n’a pas été le cas".
"Il y a des contradictions, des confusions au niveau juridique mais aussi au niveau logique. On nous dit qu’il y a préméditation alors qu’on insiste sur la surprise des officiers à l’annonce de la mort des Français. On nous dit qu’il y a eu des ordres tout en soulignant que la liste des otages ne correspond pas à celle des personnes recherchées. On veut surtout chercher à punir le général Dogbo Blé et la garde républicaine pour leur rôle dans la crise" ivoirienne , a-t-il conclu.
Photo:AFP / Issouf Sanogo