Au-delà des mutineries et de la contestation sociale, la Côte d'Ivoire est-elle traversée par une crise politique plus profonde ?
2017 se présentait sous de bons auspices en Côte d'Ivoire. Le pays bouclait l'année écoulée avec le meilleur taux de croissance économique enregistré en Afrique (+ de 8 %) et ses Éléphants s'apprêtaient pour la Coupe d'Afrique des nations (CAN), bien décidés à aller chercher une troisième étoile.
En quelques jours, l'actualité politique et sociale est toutefois venue rappeler que la Côte d'Ivoire n'était peut-être pas encore près de renouer avec son image d'avant les années 1990 : locomotive économique d'Afrique de l'Ouest et îlot de paix. Mutineries – dont un nouvel épisode fait 4 morts mardi 17 janvier à Yamoussoukro –, démission du Premier ministre, grève des fonctionnaires, tensions dans la filière cacao sur fond de chute des cours…
À peine le pouvoir ivoirien se penche-t-il sur un problème qu'un autre surgit. « Attention, ça devient inquiétant », alertait Le Patriote ce mercredi à Abidjan, peu avant le conseil des ministres.
« Ça commence bien pour la troisième République », titre, plus narquois, le quotidien burkinabè Le Pays, tandis que son confrère Fasozine estime que « la situation se complique gravement pour Alassane Ouattara » dans un article intitulé « Attention, danger ».
Inquiétude au sommet de l'État
Que se passe-t-il donc en Côte d'Ivoire, qui justifie l'absence d'Alassane Ouattara au sommet Afrique-France de Bamako ? Le président ivoirien se serait même « vu contraint de demander la protection du bataillon français stationné à Port-Bouët », craignant « une explosion sociale pouvant déboucher sur sa chute », noteLe Pays, citant les propos du journaliste Antoine Glaser sur France 24.
« Tout se passe comme si la mutinerie partie de Bouaké, la semaine dernière, avait libéré des forces du mal qui ont pris possession de l'âme du pays, sans que personne ne puisse être en mesure de les arrêter », considère le quotidien burkinabè.
Retour sur les épisodes de mutineries
Tout a donc commencé à Bouaké, fief d'Alassane Ouattara. « Dans la nuit du 5 au 6 janvier 2017, aux environs de 0 h 30, un groupe de militaires a fait irruption à l'état-major de la 3e région militaire en faisant usage d'armes à feu.
Des doléances ont été présentées : paiement de primes, augmentation de salaires, réduction du temps à passer dans les grades, éclaircissements à propos d'une supposée prime Ecomog (groupe de supervision du cessez-le-feu de la Cédéao créé en 1990 lors de la guerre civile au Liberia, NDLR) », peut-on lire dans le communiqué du ministre de la Défense Alain-Richard Donwahi.
Clarification du site ivoirien L'Infodrome : la prime « Ecomog » revendiquée par ces militaires désigne « plusieurs millions qui auraient été promis à des soldats qui s'étaient engagés à faire partir Laurent Gbagbo par la force en lieu et place de la force ouest-africaine, l'Ecomog ».
Décision fut donc prise d'accorder des primes à ces mutins composés en l'occurrence d'anciens membres des Forces nouvelles, cette coalition de forces rebelles née en 2003 et réintégrée au sein des Forces républicaines de Côte d'Ivoire en 2011.
C'est donc « pour solder les comptes de ces militaires que le gouvernement s'est engagé à leur verser à chacun 12 millions de francs CFA (environ 18 000 euros, NDLR) », dès lundi 16 janvier, explique L'Infodrome. Quelque 8 500 anciens rebelles, sur les 22 000 soldats que compte l'armée, seraient concernés par ces paiements...
Photo à titre d'illustration : Le premier Gouvernement de la IIIe République, le 11 janvier 2016