Les initiatives se multiplient en vue d'un règlement à long terme des conflits entre agriculteurs et éleveurs, qui surviennent de manière récurrente dans la partie nord du pays.
Autorités administratives et organisations non gouvernementales tentent de se donner la main pour dénouer la crise et instaurer une coexistence pacifique entre les responsables locaux qui ont décidé de conjuguer leurs efforts pour ramener la paix entre les différents acteurs de ces secteurs d'activité.
Pour l'un des responsables des cadres de la région du Bafing ( nord-ouest), Yatié Diomandé, il importe de trouver une solution durable au fléau en s'inscrivant dans un contexte de reconstruction nationale fondé sur la recherche du dialogue permanent.
"C'est notre rôle de mener des actions pour semer la graine de la cohésion sociale dans notre région", a-t-il confié.
Pour celui-ci, "Il faut mettre en application les mécanismes légaux définis par les différents arrêtés, il faut aussi, de manière impérative, mettre en place les commissions villageoises, sous-préfectorales et préfectorales chargées de régler les différends entre agriculteurs et éleveurs, et procéder au recensement des éleveurs, bouviers et cheptels", a-t-il proposé, recommandant par ailleurs la réactivation des associations pastorales.
Les préfets et sous-préfets des localités du nord ont également pris à bras-le-corps la question de la difficile cohabitation entre agriculteurs et éleveurs qui met à mal la cohésion sociale dans les zones sous leur autorité.
L'AVANCEE DU DESERT, FACTEUR DE TRANSHUMANCE
Selon Jacques Amani, expert ivoirien en agronomie, l'avancée du désert constitue un facteur important de transhumance.
"Le désert étant de plus en plus rude dans l'extrême nord, les éleveurs et bergers descendent un peu plus vers le bas où il est possible d'avoir des pâturages pour leurs bêtes", explique M. Amani.
"Mais dans les zones d'accueil où la végétation est relativement plus verte, sont installées des agriculteurs et les bêtes affamées se déportent très souvent sur les cultures", ajoute- t-il.
Pour celui-ci, il y a lieu de privilégier une voie de règlement pacifique des conflits en vue d'une résolution définitive de cet épineux problème qui engendre des morts et des dégâts chaque année.
D'autres experts en encadrement du monde rural ont tenté d'élaborer des projets devant permettre de réduire les conflits.
Dans plusieurs villages du nord, des spécialistes de l'Agence nationale d'appui au développement rural (ANADER) ont lancé des projets intégrés pour permettre aux populations de se nourrir convenablement.
Le projet a aussi permis de construire des digues et des parcs avec des fils barbelés ainsi que des parcs communautaires où s'étendent plusieurs hectares de pâturage.
Pour ceux-ci, il s'agit de tout mettre en oeuvre pour en finir avec les querelles entre agriculteurs et éleveurs en quête des espaces de terre exploitables.
DES AFFRONTEMENTS PARFOIS MEURTRIERS
Les dégâts causés par les troupeaux de boeufs ou de moutons en transhumance sur les cultures constituent le principal sujet des litiges qui ont fait plusieurs victimes dans d'autres localités de la partie nord du pays.
Outre l'aménagement des troupeaux, les litiges portent également sur l'aménagement des espaces cultivables.
Les éleveurs accusent à leur tour les agriculteurs de s'approprier de manière "illégitime" le fumier déchargé par les animaux et revendiquent les terres valorisées. Les premiers accusent également les deuxièmes d'empoisonner leur cheptel.
Les cas d'abattage de bêtes et de destructions de cultures sont alors nombreux dans plusieurs localités du nord du pays dont Tiémé, Koonan, Katiola, Touba, Bako.
Des cas d'affrontements meurtriers sont également à déplorer, à l'image du conflit entre agriculteurs et éleveurs qui a fait deux morts et cinq blessés à Odienné (nord-ouest).
L'IMPLICATION DE TOUS
Face aux conséquences désastreuses du conflit, différents acteurs s'impliquent dans la cessation des hostilités entre agriculteurs et éleveurs.
Les autorités qui ont décidé de prendre le taureau par les cornes ont envoyé plusieurs missions au nord du pays.
Sous la houlette du ministre des Ressources halieutiques Kobenan Adjoumani, des rencontres ont été organisées pour permettre le retour de la paix.
Outre le gouvernement, des organisations de la société civile tentent de se montrer actives dans la recherche de la concorde entre ces groupes antagonistes.
A l'initiative d'une Organisation non gouvernementale, un projet d'accompagnement de la cohésion sociale a été mis sur pied vendredi dans la région nord du pays.
"Il s'agit de créer un environnement propice à la bonne cohabitation", a expliqué Lorence Mazini, responsable du projet.
Le conflit entre agriculteurs et éleveurs dans le nord de la Côte d'Ivoire existe depuis plusieurs décennies.
Des affrontements violents ces derniers mois entre ces deux communautés ont secoué plusieurs localités du nord et occasionné parfois des décès, amenant des autorités et organisations à tirer la sonnette d'alarme.
Pour plusieurs observateurs, l'action synergique de ces entités permet aujourd'hui d'amorcer le tournant d'une paix durable entre autochtones agriculteurs et éleveurs en majorité allogènes.
Côte d' Ivoire : Conflits agriculteurs-éleveurs dans le nord, vers un règlement durable de la crise ? - Photo à titre d'illustration