Des bureaux de vote ont été attaqués et des urnes détruites par un commando d'hommes armés dimanche lors de l'élection municipale partielle de Grand-Bassam.
Deux mois après des violences qui avaient conduit à l'annulation de plusieurs scrutins des municipales du 13 octobre, la reprise de ces élections locales a été marquée dimanche par de nouveaux incidents, notamment dans la cité balnéaire de Grand-Bassam et à Port-Bouët, une des grandes communes d'Abidjan, malgré un déploiement massif des forces de l'ordre.
L'enjeu politique est faible pour ces scrutins partiels, qui ne modifieront pas l'équilibre issu du scrutin du 13 octobre, largement remporté par le parti présidentiel RHDP, mais où le principal parti d'opposition, le PDCI, avait fait un bon score.
Ces élections avaient été marquées par des violences ayant fait au moins cinq morts et des accusations de fraudes dans une centaine de sites, à deux ans de la prochaine élection présidentielle, déjà dans toutes les têtes.
Commando armé
A Grand-Bassam (30 kilomètres d'Abidjan), épicentre de ces troubles post-électoraux, un commando d'hommes armés non identifiés a fait irruption vers 17 heures (locales et GMT) dans deux centres de vote voisins et saccagé les urnes. Les forces de l'ordre, pourtant présentes sur place, ont laissé faire, selon plusieurs témoins.
Un cameraman de la Radio-télévision ivoirienne a été «frappé» et son matériel «endommagé», a indiqué à l'AFP le rédacteur en chef de la station publique Adama Kone. Des journalistes de l'AFP ont pu voir de nombreuses urnes brisées et des bulletins de vote répandus à terre dans les bureaux de vote du Collège moderne et de Bassam-1.
Deux autres bureaux de vote ont été attaqués dans des conditions similaires, selon des sources concordantes. Ces bureaux de vote sont situés dans le quartier colonial France, classé au patrimoine mondial de l'Unesco, un quartier traditionnellement favorable au maire sortant et candidat du PDCI George Ezaley.
Celui-ci affrontait le candidat du parti au pouvoir RHDP, Jean-Louis Moulot, le scrutin du 13 octobre ayant été annulé par la Cour suprême en raison d'irrégularités, comme dans cinq autres municipalités et deux régions de Côte d'Ivoire.
Interpellations
Vers 18 heures, des journalistes de l'AFP ont vu une douzaine d'hommes jeunes, costauds, en civil, à bord de deux 4x4 immobilisés par la population, et présentés par les habitants comme les auteurs des attaques. Après de longues minutes de tension, les deux véhicules 4x4 ont pu quitter les lieux, escortés par les forces de l'ordre qui ont été conspué par la foule.
A Port Bouet, où il y avait également un duel RHDP-PDCI, plusieurs incidents ont eu lieu dans la journée. Des individus ont lancé des cailloux cassant une fenêtre du siège électoral PDCI. Plusieurs personnes ont été «frappées et se sont faits voler» devant le siège, a affirmé une des victimes à la presse. En outre, au moins quatre bureaux de vote ont été attaqués et des urnes cassées, selon des membres du PDCI.
En fin de matinée, des incidents ont eu lieu au Lycée moderne. En milieu d'après-midi des hommes dont certains portaient des cagoules ont commencé à agresser les gens dans la rue à proximité du bureau de vote de Seny Fofana avant de pénétrer dans l'enceinte, selon un témoin, employé de l'AFP.
Le préfet d'Abidjan Vincent Toh Bi a sillonné la commune rencontrant les deux candidats et se rendant dans des bureaux de vote, appelant les gens au calme. «Il y a eu des incidents isolés. Nous avons procédé à des interpellations», a-t-il déclaré à l'AFP.
«Intimidation d'électeurs»
«Depuis 72h, Port Bouet a été infesté de loubards, de microbes (jeunes délinquants). On sait qui fait ces opérations. La dernière fois, quand ils ont su que la tendance n'était pas en leur faveur, ils ont commencé à attaquer des bureaux de vote. Aujourd'hui, ils attaquent encore», a affirmé Sylvestre Emmou, candidat du PDCI, parlant «d'intimidation d'électeurs».
Du côté de la majorité présidentielle, Marcel Nguettia, le directeur de campagne de l'autre favori Siandou Fofana, fait les mêmes reproches au PDCI. «Nous connaissons les pratiques de M. Emmou Sylvestre. Chaque fois qu'il y des élections depuis 15 ans, il est toujours le premier à accuser les autres. Il dit toujours qu'il a gagné. Nous ne sommes pas mêlés ni de près ni de loin au casse de son siège . Il (Emmou) se voit déjà vaincu parce que pas de possibilité de tricher cette fois-ci».
La plateforme des Organisations de la société Civile pour les Elections en Côte d'ivoire (POECI) a «dénoncé des actes de violence et des tensions en cours dans de nombreux lieux de vote et en dehors à Grand-Bassam et Port-Bouet» alors que le dépouillement avait commencé dans la plupart des bureaux de vote. Les résultats devraient être connus dans la nuit.
Un incident sérieux s'est produit samedi à Divo (sud), où un responsable local du PDCI a été frappé et a dû être hospitalisé, selon la Ligue ivoirienne des droits de l'Homme.
Photo prise après l'attaque d'un bureau de vote à Grand Bassam ce 16 décembre 2018. Image: AFP