Depuis dix ans, Ange Rodrigue Dadjé défend les caciques de l'ancien régime, affichant sa complicité avec l'ex-première dame. Portrait d'un avocat militant qui collectionne les affaires sulfureuses.
Il transforme chaque procès en tribune et dénonce une justice aux ordres du politique.
Pour trouver Ange Rodrigue Dadjé, il faut suivre les affaires ivoiriennes les plus sulfureuses du moment. Un jour, il est dans le prétoire aux côtés de Bruno Dogbo Blé, l'ancien chef de la garde républicaine de Laurent Gbagbo et l'un des hommes les plus craints du pays - même derrière les barreaux -, multipliant les selfies et les diffusant sur les réseaux sociaux. Un autre jour, c'est au bras de
Simone Gbagbo qu'il pénètre dans la cour d'assises. Déjà condamnée à vingt ans de prison, elle est alors poursuivie pour crimes contre l'humanité. Mais Me Dadjé affiche sa complicité avec l'ancienne Première dame. Lui qui a fait de la défense des anciens dignitaires du régime de Laurent Gbagbo sa spécialité aime la provocation et les procès explosifs. Et semble n'avoir peur de rien. Pendant les audiences, seul le tressaillement compulsif de sa bouche trahit parfois sa nervosité.
Dans son bureau sombre et modeste du Plateau, à Abidjan, s'entassent les piles de dossiers traitant des crimes les plus graves: atteinte à la sûreté de l'État, assassinats, crimes de guerre ... « Mes clients sont innocents. Je ne dis pas cela parce que je suis leur avocat, mais j'en ai la conviction », dit-il, de son débit rapide et percutant, le même que celui qu'il déverse pendant des heures devant les juges.
S'il lui arrive parfois de s'emporter dans les salles d'audience, de tenir tête aux juges et de défier les puissants, en privé, Ange Rodrigue Dadjé rivalise d'amabilité. Avec ses petites lunettes cerclées et ses bonnes manières, l'avocat des pro-Gbagbo a quelque chose d'un premier de la classe. À 43 ans, il est l'une des stars du barreau ivoirien. Tous ses confrères, qu'ils soient alliés ou adversaires, le reconnaissent : il est aussi l'un des plus doués.
C'est au début des années 2000 qu'Ange Rodrigue Dadjé a commencé à chuchoter à l'oreille des caciques du régime Gbagbo. Le leader socialiste est alors au pouvoir. Jeune diplômé et spécialisé dans le droit des affaires, il intègre le cabinet de Sylvère Koyo, l'un des avocats les plus importants de la place abidjanaise, qui lui ouvre son carnet d'adresses. Il rencontre le gotha des grands patrons ivoiriens et plonge dans leurs affaires financières. Parmi ses clients: les barons de la filière café-cacao, secteur aussi opaque que stratégique pour le pouvoir. Il pénètre alors les secrets de la République. Bien plus qu'un avocat, Ange Rodrigue Dadjé est déjà un militant. « Ses convictions politiques n'étaient un mystère pour personne. Il exprimait clairement son rejet de la rébellion des Forces nouvelles et son soutien total au régime Gbagbo », confie l'un de ses confrères du cabinet. Cet évangélique fait de son métier un véritable sacerdoce...
Côte d’Ivoire : Des confidences dévoilées sur les relations entre Simone Gbagbo et son avocat - Photo à titre d'illustration