Officiellement, Daniel Kablan Duncan quitte son poste pour « des raisons de convenance personnelle », sans plus de détails. Mais à moins de quatre mois de la présidentielle, les raisons de cette décision restent encore mystérieuses et elle place le gouvernement ivoirien dans une situation inédite.
Avec nos correspondants à Abidjan, Sidy Yansané et François Hume-Ferkatadji
Que s’est-il donc passé entre le président Alassane Ouattara et son vice-président Daniel Kablan Duncan ? Depuis 1990, cet économiste occupe les postes clés du terrain politique. Il a été ministre des Affaires étrangères, deux fois ministre de l’Economie, deux fois Premier ministre, avant de devenir en 2017 le premier vice-président de l’histoire du pays.
Daniel Kablan Duncan est aussi l’un des poids lourds du PDCI, le parti historique. Jusqu’à son exclusion l’an dernier, quand il choisit de rester totalement fidèle au chef de l’État, alors qu’Henri Konan Bédié avait déjà basculé dans l’opposition.
Sa démission annoncée ce lundi relève donc de la surprise. Très effacé sur le terrain depuis son accession à la vice-présidence, rien n’indiquait publiquement que ce grand commis de l’État se trouvait en désaccord avec Alassane Ouattara.
Tensions
Dans un communiqué, Daniel Kablan Duncan précise que sa lettre de démission, la deuxième, date du 27 février. Il y avait donc déjà de l’eau dans le gaz, analyse le sociologue Francis Akindès.
Pour le chercheur de l’Université de Bouaké, Alassane Ouattara paie peut-être le prix du choix vaille que vaille de feu le Premier ministre Amadou Gon Coulibaly comme candidat du pouvoir à la présidentielle d’octobre prochain. Kablan Duncan aurait-il jugé ne pas avoir été récompensé à hauteur de sa loyauté ? « On ne connait pas le fond de cette marmite politique », note le professeur Francis Akindès.
Mais un proche des cercles du pouvoir affirme que Kablan Duncan a démissionné par « vengeance » à la suite d’une série de vexations et d’humiliations, notamment après avoir été proposé au poste, jugé secondaire, de président du Conseil économique et sociale (CESEC) au mois de janvier dernier.
Triple vacance du pouvoir
Cette démission survient au pire moment pour la présidence qui parait isolée et affaiblie. Car c’est un nouveau siège vacant au sommet de l’État, après la disparition, il y a quelques jours seulement, du plus fidèle compagnon d’Alassane Ouatarra, Amadon Gon Coulibaly. Le Premier ministre est décédé en exercice, une première dans l’histoire du pays.
La situation est si particulière, qu'en cas décès du président Alassane Outtara, la Constitution ivoirienne n'a pas prévu d'intérim à la tête de l’État, puisqu’il est, en théorie, assuré par le vice-président, puis par le Premier ministre. Mais ce n’est pas tout. Le président du Sénat, Jeannot Aoussou Kouadio, a quitté le pays depuis le 2 juillet. Atteint du Covid-19, il est sous observation médicale en Allemagne.
La nomination d’un nouveau Premier ministre et d’un nouveau vice-président devrait avoir lieu après l’enterrement d’Amadon Gon Coulibaly, prévu vendredi dans la ville de Korhogo.
Le vice-président ivoirien Daniel Kablan Duncan lors d'un meeting du PDCI en mars 2019 (image d'illustration) SIA KAMBOU / AFP