"Si tu veux que (Laurent) Gbagbo soit libéré, va voter Affi". Candidat du parti de l'ex président, Pascal Affi N'Guessan, un des favoris de la présidentielle ivoirienne du 25 octobre, tente de rallier les supporters de son ancien mentor en promettant de le libérer.
L'équation n'est pas simple pour Affi N'Guessan. Non seulement il doit affronter le grand favori du scrutin, le président sortant Alassane Ouattara, mais il doit aussi convaincre les "siens".
S'il est officiellement investi par le Front populaire ivoirien (FPI), fondé par Gbagbo, une partie du FPI et une frange d'irréductibles --dont certains leaders sont en prison-- appellent au boycott au nom de leur fidélité à l'ex-dirigeant, emprisonné à La Haye et qui attend son jugement par la Cour Pénale Internationale.
Avant d'être président du Front populaire ivoirien, Pascal Affi N'Guessan a été le directeur de campagne de Laurent Gbagbo en 2000. Une fois ce dernier élu, il est devenu le Premier ministre (2000-2002) de son premier gouvernement.
Pour légitimer sa candidature, Affi, qui revendique la place de fidèle "disciple" de Gbagbo, a symboliquement lancé sa campagne dans la région natale de Gbagbo à Gagnoa (300 km nord-ouest d'Abidjan).
Dans cette petite ville du centre-ouest de la Côte d'Ivoire, seules les affiches des candidats collées sur les panneaux publicitaires rappellent le scrutin du 25 octobre. On est loin de l'effervescence de 2010.
Le souvenir de la meurtrière crise post-électorale 2010-2011 a émoussé les ardeurs des uns et des autres. La peur de violences est toujours vivace.
"Que chacun vienne faire campagne mais nous, qu'ils nous laissent tranquilles", déclare Yves Zagbadi, 42 ans, sans emploi.
L'ombre de Gbagbo plane sur cette élection. En 2010, son refus de reconnaître la victoire de Ouattara avait plongé la Côte d'Ivoire dans cinq semaines de violences qui s'étaient soldées par la mort de 3.000 personnes, un épilogue sanglant d'une décennie de crise politico-militaire.
'On regarde ça de loin'
Quant aux sympathisants pro-Gbagbo, beaucoup se désintéressent du scrutin en l'absence de l'ancien président.
"Je pense que le FPI a mieux à faire actuellement. Le parti est divisé, les camarades sont en prison. Je ne sais pas quel objectif Affi cherche à atteindre", s'interroge Alex Groguhé, enseignant à la retraite.
Samedi dernier, le FPI a eu du mal à mobiliser. Seuls quelques centaines de sympathisants timorés ont pris place sous la quinzaine de tentes dressées pour la manifestation.
Affi N'Guessan, vêtu d'une chemise rose de la couleur du parti, se lance dans une opération de séduction des plus sceptiques du FPI. Il doit persuader les uns et les autres qu'il est l'héritier de Gbagbo: "J'ai travaillé en étroite collaboration avec Gbagbo Laurent. Il m'a toujours fait confiance".
En retour, il demande l'onction de Gagnoa pour affronter le président sortant. "Tout ce que nous faisons c'est dans la continuité de la lutte du président Laurent Gbagbo", assure-t-il.
"Chef de l'Etat de Côte d'Ivoire, j'aurai les moyens politiques, les moyens diplomatiques, les moyens institutionnels pour faire en sorte que le président Laurent Gbagbo et Blé Goudé Charles (ancien chef des +jeunes patriotes+, proche de Gbagbo, également emprisonné à la CPI) soient libérés", promet le candidat.
Malgré le désintérêt de certains sympathisants du FPI et le retrait de deux candidat de l'opposition qui dénoncent l'organisation du scrutin, Affi lui défend mordicus sa participation.
"Si tu ne veux pas que Ouattara soit au pouvoir va voter. Ce n'est pas Affi qui est important", martèle-t-il.
Selon la plupart des observateurs, il est le candidat le plus à même de pousser à un deuxième tour le président sortant Alassane Ouattara, qui s'appuie sur bon bilan économique et une véritable machine de guerre électorale.
Mais convaincre Gagnoa ne sera pas une mince affaire, comme en témoigne Claire Biélé, la vingtaine, venue assister au meeting: "On a écouté Affi, mais on regarde tout ça de loin, de très loin même".
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Photo:Lebabi.net / L'équation n'est pas simple pour Affi N'Guessan qui doit affronter Alassane Ouattara, mais aussi convaincre les "siens".