La question est posée depuis la condamnation d'un homme à douze mois de prison ferme pour dérive sur les réseaux sociaux et la rencontre, mardi, entre six administrateurs de pages Facebook et le procureur de la République de Côte d'Ivoire.
Sur la dizaine d’administrateurs de groupes Facebook invités par Richard Adou, le procureur de la République de Côte d’Ivoire, à « une séance de travail », mardi 27 mars, six se sont finalement déplacés. Au programme : « Sensibilisation sur la gestion de l’informatique de sécurité, relecture des textes de lois applicables et collaboration pour un internet sûr et pacifique », selon les termes du courrier électronique reçu par les concernés.
« On m’a appelé sur mon numéro personnel samedi pour m’informer de cette réunion. J’ignore comment le bureau du procureur a eu mon numéro », réagit Assane Couliblay, administrateur de la page Facebook Police-Secours, qui participait à la rencontre. « Le procureur a voulu nous sensibiliser sur certaines dérives constatés sur nos groupes. Il nous a rappelé nos responsabilité et montré les textes de loi. Il a demandé à ce qu’on sensibilise nos membres. C’est une bonne chose car nous sommes tous témoins des propos parfois tenus sur les réseaux sociaux », poursuit-il.
"La démarche du procureur démontre l’urgence d’un débat franc sur la protection des droits numériques des Ivoiriens
Inédite, cette rencontre a surpris un certain nombre d’observateurs. »La démarche du procureur est très maladroite, mais elle démontre l’urgence d’un débat franc sur la protection des droits numériques des Ivoiriens par le pouvoir judiciaire, gardien des libertés fondamentales, estime Julie Owono, directrice exécutive de l’ONG Internet sans frontière. « Je pense notamment au droit à la vie privée, qui semble-t-il a été mis à mal par le procureur lui-même puisqu’il n’est pas certain que tous les destinataires de la convocation envoyée par courriel ait donné leur accord pour recevoir des e-mails du ministère de la Justice et des droits de l’homme« , poursuit-elle.
Cette rencontre intervient alors que la justice ivoirienne a condamné, lundi 19 mars, un homme à 12 mois de prison ferme et à une amende de 5 millions de F CFA, pour des propos tenus sur les réseaux sociaux. Le prévenu, Philippe Kouadio Yao, a été reconnu coupable « d’incitation à la violence ». Il lui est rapproché d’avoir appelé au meurtre et à la violence contre les familles de gendarmes sur le réseau social Facebook, alors que de violentes émeutes avaient cours dans la ville de M’bahiakro (Centre) suite à l’assassinat d’une adolescente de 13 ans. « Il faut commencer à égorger les enfants des gendarmes et nous sommes en train de nous organiser ici à M’Bahiakro. Restez à l’écoute », avait-il écrit sur Facebook...
Côte d’Ivoire : la justice doit-elle contrôler les propos tenus sur les réseaux sociaux ?