Mariame Traoré, Guillaume Soro, Henri Konan Bédié, Kandia Camara... Ces dernières semaines en Côte d’Ivoire ont été marquées par une recrudescence de la violence verbale entre certains dirigeants politiques. Une situation qui indigne la société civile.
La vidéo dure moins d’une minute, mais les insanités semblent interminables. On y voit Mariame Traoré, députée de Tengréla (nord) issue du Rassemblement des républicains (RDR, parti présidentiel) et membre du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP du président Alassane Ouattara), injurier Sita Coulibaly, présidente de l’Union des femmes du Parti démocratique de Côte d’Ivoire au niveau urbain (UFPDCI), proche d’Henri Konan Bédié. Les mots prononcés, aussi bien en malinké – langue locale – qu’en français – langue nationale –, touchent directement à l’intimité de la femme. Une séquence vidéo abondamment relayée sur les réseaux sociaux depuis le 2 février.
La sortie a indigné la grande majorité des internautes, y compris dans le camp présidentiel, obligeant l’auteure des propos à s’excuser « auprès des femmes du RHDP », sans retirer ses injures. « Je pense que les propos que j’ai tenus hier vont leur servir de leçon pour qu’elles sachent qu’au sein du RHDP, il y a des femmes aussi qui peuvent répliquer », s’est-elle justifiée.
Pétition en ligne
Une pétition a aussitôt été lancée en ligne, réclamant des sanctions contre la députée. Celle-ci a récolté près de 2 500 signatures en quelques heures.
Pour Christophe Kouamé, président de Citoyens & Participation (Civis-Côte d’Ivoire), activiste de la société civile, cette violence verbale serait la conséquence d’un manque de niveau éthique du personnel politique.
« Au-delà de la sémantique langagière, se pose en réalité le problème de la peur d’une certaine élite de participer à la vie publique et surtout de s’engager en politique », précise-t-il, ce qui amènerait selon lui « le casting du personnel politique à retenir malheureusement certaines existants qui ne sont pas forcément brillants ».
Le divorce entre ex-alliés du RHDP ravive les tensions
Ces derniers mois, le divorce entre ex-alliés du RHDP a ravivé les tensions politiques. Début janvier, Guillaume Soro, président de l’Assemblée nationale qui a récemment rompu avec Alassane Ouattara et devrait démissionner en février, avait qualifié Adama Bictogo, alors président du comité d’organisation du congrès du RHDP, de « gringalet ». Ce dernier, dans une sortie particulièrement hostile à l’endroit de Soro, l’avait invité à « libérer le tabouret » de la présidence de l’Assemblée nationale, s’il continuait à ne pas vouloir adhérer au RHDP.
Le 26 janvier, alors que certains responsables du RHDP réunis dans un stade Félix Houphouët-Boigny du Plateau (Abidjan) plein à craquer, déclaraient être les « enfants légitimes » du « père fondateur » mort il y a vingt-six ans, Henri Konan Bédié répliquait depuis Daoukro que celui-ci se trouvait au PDCI « et surtout pas avec ces fils adultérins », qu’il s’est gardé de désigner. Le ministre Kobenan Kouassi Adjoumani, porte-parole du RHDP, a aussitôt convoqué une conférence pour s’en prendre à son ancien parrain politique. De son côté, la ministre Kandia Camara, secrétaire générale du RDR, a rappelé le 28 janvier à Henri Konan Bédié que « nul n’a le monopole des injures ».
Cette violence verbale qui touche la plupart des camps politiques ivoiriens a amené la ministre Mariatou Koné, habituellement discrète, à sortir de son silence et à inviter au calme. « Il y a des mécontentements mais ce n’est pas une raison pour répondre aux injures. Parce que quand tu réponds aux injures, tu es encore plus mal élevé que celui qui est en train d’injurier », a-t-elle rappelé aussitôt après le discours de Kandia Camara. Une sortie qui n’a pas été appréciée au RHDP mais qui continue d’alimenter les conversations au sein de la société civile modérée.
Ces dernières semaines en Côte d’Ivoire ont été marquées par une recrudescence de la violence verbale entre certains dirigeants politiques. © REUTERS/Thierry Gouegnon