Côte d'Ivoire : les locaux d'une ONG défendant les droits des homosexuels saccagés

  • 06/02/2014
  • Source : Jeune Afrique
Fin janvier, les locaux de l'ONG Alternative, un organisme de défense des droits des homosexuels, ont été saccagés à Abidjan. Un incident qui vient ternir l'image de la Côte d'Ivoire, souvent considérée comme l'"eldorado" des homosexuels du continent.

"Stop aux homos", "non aux pédés". Les insultes écrites à l'encre rouge sur les murs de la maison de Claver Touré sont encore gravées dans sa mémoire, tout comme le bruit des casseroles et des slogans scandés par une foule déchaînée. Fin janvier, le directeur de l'ONG Alternative Côte d'Ivoire, un organisme qui défend les droits des homosexuels, a vécu quatre jours de séquestration, de pillages et de menaces à Abidjan.
 
Dans la nuit du 22 janvier, les locaux d'Alternative, situés dans le quartier de Cocody-Angré, ont été saccagés. "Des habitants ont lancé des pierres et ont cassé les tuiles et les vitres du bureau", raconte Claver Touré. Matériel volé, sacs poubelle déchirés et vidés, les membres de l'ONG ont pris peur en constatant le désordre.

"Nous avons senti le danger venir et avons alerté la police mais celle-ci nous a dit qu'elle avait des choses plus sérieuses à faire", regrette le jeune homme. Claver Touré décide alors de contacter l'ambassadeur français de Côte d'Ivoire. Finalement alerté, le ministre ivoirien de l'Intérieur donne alors l'ordre de sécuriser les bureaux d'Alternative, mobilisant la mission de maintien de la paix en Côte d'Ivoire (Onuci) et le centre de commandement des opérations (CCDO).

Un acte isolé
 
En juin dernier, la France avait déjà soutenu l'ONG Alternative en lui donnant une enveloppe de 30 millions de francs CFA, soit 45 000 euros, pour promouvoir les droits de l'homme et le respect des libertés sexuelles.

Cette subvention avait déjà provoqué des émules dans la communauté ivoirienne. En Côte d'Ivoire, un vide juridique encadre l'homosexualité qui n'est pas interdite. Le pays est parfois même considéré comme un eldorado en Afrique. Toutefois, des voix s'élèvent régulièrement dans le pays contre les minorités sexuelles.
 
Optimiste, Claver Touré refuse de voir dans cette affaire le signe d'un manque de tolérance ivoirienne. "C'est un acte isolé, assure-t-il. Nous sommes installés depuis quatre ans dans nos locaux et n'avons jamais eu de problèmes avec les riverains." Selon le président d'Alternative, ces pillages seraient surtout dus à une poignée de pourfendeurs qui auraient mobilisé, voire rémunéré des jeunes désœuvrés pour qu'ils saccagent les locaux.
 
Depuis cet incident, les membres de l'ONG sont toujours en résidence surveillée mais toutefois soulagés. "Le préfet de police m'a appelé personnellement pour s'excuser et le commissaire qui n'avait pas pris cette histoire au sérieux a assuré qu'il veillerait sur nous", relève Claver Touré.

Un rendez-vous avec le conseiller spécial du président de la République en matière de droits de l'homme est même prévu dans les jours qui viennent. "Nous allons vers une ouverture", veut croire le président de l'ONG. Preuve que l'eldorado est encore un mirage.
 
Emeline Wuilbercq