Un blessé par balle, accès à la ville bloqués, tirs en l'air et patrouilles: plusieurs centaines de soldats mutins de Bouaké (centre), deuxième ville de Côte d'Ivoire, refusaient samedi de renoncer aux primes promises et continuaient de défier les autorités.
A Daloa (centre), des mutins ont tiré dans la nuit de vendredi à samedi et continuaient à circuler en ville, selon deux habitants joints par l'AFP par téléphone.
A Korhogo (nord), des mutins ont également tiré et installé des barrages mais ils sont retournés dans leur caserne devant la colère des habitants, selon des témoins joints par téléphone.
"Nous sommes sortis pour protester contre leur soulèvement" a affirmé Daouda Soro professeur de mathématiques.
La situation était calme dans la capitale économique Abidjan, a constaté un journaliste de l'AFP.
- Bouaké épicentre -
"Nous voulons notre argent", lançait samedi à Bouaké sous couvert d'anonymat l'un des mutins, qui portait une cagoule. Plusieurs centaines de mutins étaient impliqués dans ce nouveau mouvement à Bouaké.
Ces mutins ont chassé les policiers qui contrôlent habituellement les "corridors", et bloqué les accès à Bouaké. Les corridors Nord et Sud sont situés sur le principal axe routier du pays reliant Abidjan, au Nord.
Les mutins tiraient sporadiquement en l'air au niveau de ces corridors mais aussi en ville, où les banques et les magasins n'ont pas ouvert.
Dans la mâtinée, un groupe d'entre eux a ouvert le feu, faisant un blessé grave, sur des anciens rebelles "démobilisés" qui avaient manifesté lundi pour demander, eux aussi, des primes.
"Ils étaient au moins dix +soldats+ armés de kalachnikovs. Ils ont commencé à tirer sur nous. Selon eux, depuis que nous sommes sortis (manifestation de lundi), nous avons réduit leur chances d'avoir leur argent Ils disent que le président Alassane Ouattara veut nous donner le reste de leur argent", a affirmé à l'AFP Aboudou Diakité, un "démobilisé".
Les "démobilisés", sont des anciens rebelles (qui contrairement aux actuels mutins) n'ont pas été intégrés dans l'armée à la fin de la crise post-électorale de 2010-2011.
Les mutins campent sur leur position. En fin de matinée, des négociations avec le commandement militaire de Bouaké ont échoué. Ils assurent être prêts à en découdre avec les forces loyalistes.
- 'On est prêts' -
"Qu'ils nous envoient ce qu'ils veulent. On est prêts", a ainsi lancé à l'AFP un des mutins à Bouaké.
"Si on n'était pas prêts à se battre, on n'allait pas poser ces actes (agir ainsi)", a renchéri un autre.
Vendredi, un important dispositif loyaliste (Garde Républicaine, police et gendarmerie) avait été déployé à Abidjan, obligeant les mutins qui occupaient le camp Gallieni, au centre-ville, à partir.
"La situation est plus compliquée à Bouaké. N'oubliez pas que cette ville fut la capitale de la rébellion" à partir de 2002, a commenté samedi Yao Kobena, enseignant à Bouaké.
Une large partie de ces rebelles, qui ont soutenu le président Alassane Ouattara lors de la crise de 2010-2011 contre l'ancien président Laurent Gbagbo qui refusait de reconnaître sa défaite électorale, a ensuite été intégrée à l'armée. C'est ce contingent de 8.400 hommes qui a lancé la mutinerie de janvier.
Les mutins réclament le paiement de reliquats de primes promis par le gouvernement après ces mutineries de janvier qui avaient ébranlé le pays.
Les mutins avaient réclamé 12 millions de francs CFA de primes (18.000 euros) pour chacun d'eux (des sommes importantes pour le pays), et obtenu le versement dès janvier de 5 millions (7.500 euros). On leur avait promis les 7 millions restants par tranche à partir de ce mois de mai.
Jeudi, un représentant de soldats avait annoncé renoncer aux revendications financières, lors d'une cérémonie en présence du président Ouattara et d'autres soldats.
Cette cérémonie se voulait visiblement un point final à la protestation des forces de sécurité, mais a finalement déclenché un nouveau mouvement de grogne.
Vendredi, des mutins avaient semé le trouble à Abidjan, Bouaké, Man (ouest) Korhogo et Odienné (nord).
Les forces loyalistes avaient déployé vendredi un important dispositif à Abidjan, et menacé dans la soirée les mutins de sanctions, lors d'une allocution télévisée du chef d'état-major.
Photo à titre d'illustration:DR